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Tout devient politique à Lubumbashi

A Lubumbashi, deuxième ville de la République démocratique du Congo, la tension politique qui monte dans le pays trouve une sonorité particulière ici. Tout, ou presque, est devenu politique depuis l’enlisement de la crise qui oppose le président Kabila à Moïse Katumbi, le candidat déclaré à la présidentielle et ancien gouverneur du Katanga.

Plus de conversation, ni de discussion libre entre frères ou amis. Même les intellectuels et les représentants religieux restent bouches cousues. Les gens ont peur de dire ce qu’ils pensent. D’ailleurs dans les médias, il n’y a plus que des jeunes qui apprennent la politique, pour s’exprimer sur des questions qu’ils semblent parfois ne pas maîtriser.

La ville de Lubumbashi était entièrement acquise au président Kabila, katangais d’origine, il y a près d’une année. Une seule opinion dominait : celle favorable au régime au pouvoir. Moïse Katumbi et ses proches, avant d’entrer en opposition, étaient alors des fidèles représentants du chef de l’Etat.

Le passage à l’opposition de Moïse Katumbi, puis celui de sept partis exclus de la majorité et qui l’ont rejoint, ont ouvert la route à la répression. Plusieurs personnes ont été arrêtées, des médias fermés. La suite est logique : la peur d’être arrêté, d’où le silence. Tout le monde a peur, même l’homme de la rue. Les services de sécurité annoncés omniprésents inquiètent.

« C’est politique »

On n’a que faire de la constitution (article 23) qui dit pourtant que « toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit implique la liberté d’exprimer ses opinions, ses convictions notamment par la parole, l’écrit et l’image sous réserve du respect de la loi, de l’ordre public et des bonnes mœurs ». Seuls ceux qui soutiennent le pouvoir ne sont pas inquiétés pour leurs opinions, même si parfois certains sont insultants.

Dans cette peur généralisée, l’excuse imparable pour ne pas parler est : « C’est politique ». Lors d’une campagne de distribution de moustiquaires, un médecin refuse de répondre à une interview préférant dire aux reporters : « c’est politique ! » Diffuser une musique où l’on cite un leader de l’opposition comme cela est courant en RDC, « c’est politique ! » Tout est politique, en effet.

Etre accusé de faire de la politique n’est pas une bonne chose par les temps qui courent à Lubumbashi. Même si cela est un droit civique. Apeurées, certaines personnes condamnent alors les protagonistes de la crise politique vue de Lubumbashi : « Kabila na Katumbi ndjo bana tuleteya ibi biote », disent-ils en swahili : « C’est Kabila et Katumbi qui nous ont amené tous ces problèmes. »

La peur qui prend de nombreuses personnes à Lubumbashi me semble justifiée. Il y a eu des plusieurs arrestations des proches de Moïse Katumbi et Gabriel Kyungu, leaders politiques katangais entrés en oppositions contre Joseph Kabila. Ils sont toujours détenus. D’ailleurs, les politiques eux-mêmes n’ont pas accès aux médias, même privés, pour s’exprimer. Des tentatives de manifestations sont réprimées, comme cela s’est produit le 29 août dans la commune Kenya où les militants du Rassemblement se sont affrontés avec la police qui venait d’annuler un meeting supposé autorisé, selon les organisateurs. Là encore, il y a eu des arrestations et des procès d’une célérité étonnante : en une nuit, ils étaient condamnés.

 

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