A vouloir réagir à tout, porter la voix de tous, l’Église catholique semble s’être prise dans le piège des politiciens. Rappelée à l’ordre par le Vatican pour ne pas jouer un rôle de premier plan, elle hésite ou laisse faire. Elle a pourtant semblé porter l’espoir de tous ceux qui désirent l’alternance du pouvoir, c’est-à-dire le départ du président Kabila après son dernier mandat. Ils sont simplement déçus. Ils estiment que les évêques catholiques favorisent le pouvoir.
L’image de l’Église n’est plus la même depuis l’annulation de sa marche du 16 février dernier. Pour commémorer le massacre des chrétiens qui soutenaient la réouverture de la conférence nationale suspendue par le président Mobutu en 1993, l’Église avait planifié une marche. A l’approche de cette date, elle a redouté une politisation de cette marche et un affrontement entre politiciens et l’a donc annulée.
L’Église, dangereusement silencieuse
Kabila est tenté d’arracher un troisième mandat présidentiel interdit par sa constitution. Après le succès de Nkrunziza, de Kagame et de Sassou, ses voisins directs, sa tentation est grande. Son silence ne cache vraiment pas ses intentions qui se clarifient chaque jour qui passe, à travers sa majorité désormais on ne peut plus portée à ne pas organiser les élections cette année. Voilà cet autre silence : celui de l’Église ! Silencieuse, elle peut se dire neutre, c’est normal. Mais doit-elle rester neutre dans un contexte où il risque d’y avoir affrontements et non-respect de la justice ou des lois ? Il y a de quoi voir une Église complice de ce qu’elle a pourtant toujours dénoncé.
Évangéliser ou s’inviter dans le débat politique?
Même sans l’exprimer, le peuple se charge dorénavant de définir la position de l’Église. Et des voix se lèvent quant à sa véritable mission : politique ou évangéliste ? Puisque son silence signifie, pour plusieurs, soutien à Kabila qui ne peut plus rien craindre, profitant du silence de cette Église qu’il sait pourtant capable de tout faire basculer. Se tenir loin de la politique dans ce cas, en laissant faire le président Kabila, c’est déjà agir en politique.
Mais l’Église serait-elle trop sollicitée?
L’Église catholique congolaise, c’est bien plus qu’une Église, mais pas plus qu’elle ne l’est aux yeux des fidèles catholiques eux-mêmes. Elle est devenue le référentiel, l’unité de mesure… mais uniquement face aux questions politiques. Elle bâtit des infrastructures, forme la plupart des dirigeants, mais aussi elle reste la seule véritablement capable de défaire les rois. Voilà pourquoi l’opposition a beaucoup cru en elle, voulant marcher avec elle, le 16 février 2016. C’est sans oublier Monsieur Mosengwo qui a dirigé le parlement de transition sous le Zaïre, et l’abbé Malu Malu, deux fois à la tête de la Commission électorale nationale indépendance (une institution théoriquement de la société civile).
Modeste pourtant, l’Eglise est extrêmement sollicitée en 2016. Saura-t-elle rester la lumière de la nation ? En restant silencieuse comme jusqu’à présent, je ne vois pas comment elle pourrait y parvenir. C’est là aussi toute la difficulté : quoi qu’elle fasse, elle énervera l’opposition ou le pouvoir. Mais je crois qu’elle devra aller du côté de la vérité et de la justice.