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Élections : la carte d’électeur ne devrait plus servir de carte d’identité !

Depuis le 13 décembre 2016 les opérations d’enrôlement des électeurs ont commencé au Nord-Kivu, l’une des provinces où l’on attend le plus grand nombre d’électeurs pour les prochaines échéances électorales. Les centres d’enrôlement sont bondées du matin jusqu’au soir. Mais cette affluence n’a pas pour seule motivation le souci de voter en 2018. C’est surtout parce que la carte d’électeur est aussi la seule carte d’identité au Congo (depuis dix ans les autorités ont décidé qu’elle servirait provisoirement de carte d’identité). La carte d’électeur est utilisée dans tous types d’occasion : des opérations bancaires aux processus de migration ou encore dans les identifications urbaines.

Ce sont des anciens majeurs (enrôlés en 2011), les nouveaux majeurs (ayant atteint l’âge majeur légal après 2011) et les mineurs de 16 ans (les élections étant prévues dans deux ans, on prévoit qu’il auront atteint 18 ans le moment venu) qui sont concernés par cet enrôlement. Tous sont là en priorité pour obtenir ce qui va être leur preuve de nationalité pendant les jours à venir, et secondairement pour les élections. Au Nord-Kivu, 4 millions d’électeurs sont attendus aux urnes lors des prochaines élections. Et tous ces potentiels électeurs, et donc potentiels majeurs, n’ont jamais eu de carte d’identité depuis que la troisième République existe. Et c’est à leurs dépends qu’ils ont appris les conséquences de ce manque qui pourtant n’a jamais dépendu d’eux.

Ne pas avoir de carte d’électeur est source d’embrouilles en RDC

Les problèmes que l’on rencontre au Congo lorsque l’on n’a pas sa carte d’électeur sont de plusieurs ordres. D’abord, être sans carte te rend sujet aux tracasseries à répétition des policiers et des militaires. Des milliers d’habitants, que ce soit en ville ou au village, ont subi cela : « Lakisa carte d’électeur nayo » (montre ta carte d’ électeur en lingala). Quand tu ne l’as pas, c’est le début des problèmes qui heureusement se résolvent avec quelques Francs congolais cédés. Puis il y a les blocages lors des déplacements. Prendre un bus, un bateau, un avion ou tout autre moyen de transport à l’intérieur même du pays, d’une ville à une autre nécessite une carte d’électeur. Sans elle, il faudra encore corrompre pour voyager. A ce niveau, tu peux donc encore t’en sortir grâce au graissage de pattes.

Mais il y a deux secteurs où l’on ne triche pas : la banque et l’immigration. Sammy Mupfuni est un journaliste indépendant et pigiste pour des médias internationaux : « j’ai failli rater mon payement trimestriel seulement par manque de ma carte d’électeur que je n’arrivais plus à retrouver. Heureusement que je l’ai eu à temps. Ce n’est pas croyable que ces cartes prévues juste pour les élections six ans après restent toujours celles qui nous identifient comme Congolais ! », s’exclame-t-il. Dans les banques installées au Congo en effet, on ne peut même pas ouvrir un compte sans carte d’électeur. Pour la libre circulation aussi avec les pays limitrophes, à priori ce sont ces mêmes cartes d’électeurs qu’on utilise. A défaut c’est le passeport, ce dernier coûte si cher (180$ officiellement mais on débourse jusque 300 pour l’obtenir), que beaucoup n’en ont pas.

Des fraudes faciles

Plusieurs fraudes engendrées autours des cartes d’électeur ont été recensées car sa sécurité est minime. La simple carte prévue pour les élections s’est ainsi vue passer au statut d’identité nationale depuis les onze dernières années faute de recensement et d’octroi de vraie carte d’identité, et cela n’a pas été sans conséquences. En novembre 2012, les rebelles du mouvement du 23 Mars (M23) prennent la ville de Goma. Ils assiègent les bureaux de la CENI du Nord-Kivu et volent 80 000 cartes d’électeurs vierges. Quelques années plus tard, on dénombre des centaines de cas de rwandais et burundais arrêtés par les services de renseignements avec les cartes portant les numéros de celles volées par le M23. Le cas le plus récent est celui d’espions burundais qui s’étaient confondus aux réfugiés après être passés par le Rwanda pour des formations, ces faux réfugiés s’étaient mêlé aux vrais réfugiés burundais dans la plaine de la Ruzizi au Sud-Kivu en janvier 2016. Ils avaient avoués avoir reçu leurs carte des kits électoraux volés par le M23 (la rébellion était soutenue par le Rwanda).

Les plus malins eux ne s’étaient pas fait avoir et avaient fini par avoir des passeports congolais et donc la nationalité sans avoir vraiment trop peiner. De plus, depuis 2006, des informaticiens locaux font de fausses cartes à pour moins de dix dollars américains. La sécurité des cartes d’électeur étant facilement contournée, même un novice avec le logiciel « paint » de Windows peut se faire une carte d’électeur presque authentique.

Un recensement et des cartes d’identités ?

Tout ceci a jouée dans la volonté de refondre la totalité du fichier électoral renvoyant ainsi les élections à 2018. La CENI a renforcé la sécurité pour les nouvelles cartes qui sont octroyées depuis juillet 2016. Les nouvelles cartes sont bleues avec en filigrane un logo de la CENI à côté d’une urne, le tout dans une carte de la RDC. Il y a aussi plus de codes sécuritaires que sur l’ancienne. Selon le vice-président de la CENI Norbert Kantitima lors d’un passage à Goma, après les opérations d’enrôlement en cours, le même matériel sera légué aux services de l’Etat civil pour enfin lancer le premier recensement. Le dernier a eu lieu dans les années 1980. Ils souhaitent aussi imprimer des cartes d’identité, une première depuis plus de 30 ans.

Le gouvernement et dirigeants locaux, devraient profiter de cette occasion. En ayant de réelles statistiques sur le nombre d’habitants dans chaque ville et commune, les prises de décisions seront plus faciles, comme par exemple pour les plans de campagnes de vaccination. Mais aussi des étrangers ne profiteraient plus aussi facilement des avantages réservés aux seuls Congolais sans avoir suivi tout le processus de naturalisation. Cela renflouerait les caisses de l’État et renforcerait la sécurité. Leur nom le montre bien, les cartes d’électeurs sont seulement pour les élections.

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