Au moment où certains systèmes éducatifs africains ne répondent plus aux attentes des étudiants « geeks », un labo en robotique, Fundi bots, est né en Ouganda, piloté par Solomon King qui a lui-même déserté l’Université, lassé « d’apprendre pour passer des examens ».
Intelligent et serein, Solomon King nous déclare, sourire aux lèvres : « Je ne suis pas un rebelle, je suis juste un homme déçu par nos systèmes d’éducation. » L’homme est l’initiateur de Fundi bots, un labo en robotique, une sorte de classe qui reçoit des passionnés d’ingénierie dès l’âge de six ans. Le mot fundi veut dire ingénieur en swahili.
Ici dans ce labo, on mise plus sur la pratique que sur de longues théories. « Ce que je reproche à nos écoles et universités c’est qu’on forme les gens pour juste passer des examens ! Mais rien sur la pratique ! » déplore-t-il, déçu. Cette réalité est malheureusement celle de beaucoup de pays africains. La RDC est également concernée.
Nous sommes à Kampala, la capitale ougandaise. Salomon King est ce génie ougandais qui, il y a 16 ans, a quitté l’université après y avoir passé juste un semestre. Il s’est formé passion nément seul sur internet. A ses débuts, il a remporté deux prix en 2014 (Echoing Green Fellowship et Ashoka fellow) grâce à ses réalisations en robotique et en informatique. Aujourd’hui, il veut aider des milliers de jeunes à révéler leurs talents.
Fundi bots, un labo pour éveiller une génération d’acteurs du changement.
Des cours gratuits dans une atmosphère de geek à l’africaine
Fundi bots a une salle d’apprentissage où tout est amovible et mobile : c’est le cas des murs, des meubles, et du laboratoire. « Tout est mobile ici, on peut customiser la salle d’apprentissage selon ce que l’on veut. C’est notre magie ici », confie Rosebella Nsita, chargée des relations publiques chez Fundi bots. Comme son patron, elle aussi a été déçue par le système éducatif, avant de découvrir ses talents en relations humaines dans cette organisation.
Rosebella est passionnée par l’art depuis qu’elle est très jeune. Mais les théories des universités ougandaises ne l’ont pas aidée à poursuivre sa passion. Elle explique que c’est surtout en s’inspirant de son expérience qu’elle a eu cette envie d’aider d’autres jeunes à découvrir leurs potentiels à travers Fundi bots. Les cours sont gratuits quand on s’inscrit chez Fundi bots et les apprenants sont orientés dans des filières de leur choix.
Rosebella nous explique le climat et comment les jeunes apprennent au labo Fundi bots : « Nous avons ouvert ce laboratoire spécialement pour des étudiants qui se sentent insatisfaits de ce qu’ils apprennent à l’université. Nous leurs apprenons les bases de l’informatique, de la mécanique et de l’électronique. Nous faisons tout pour qu’ils apprennent de façon ludique. »
Les élèves des écoles publiques apprennent à monter des robots.
Fundi bots a prouvé ses compétences, à tel point qu’aujourd’hui il est sollicité dans des écoles primaires et secondaires d’Ouganda pour dispenser des cours pratiques en parallèle de la théorie. Cela génère un revenu pour les dépenses administratives du labo, revenu qui s’ajoute au financement extérieur déjà décroché par Fundi bots.
L’apprentissage dans ce labo se fait via des robots. Cette façon d’apprendre par la pratique a pour objectif que les étudiants apprennent mieux et rapidement. Certains ont de meilleures notes dans leurs universités après leurs stages chez Fundi bots. « Nos méthodes ont récemment aidé un jeune qui durant tout son parcours scolaire était lamentable en physique. Mais après avoir appris par la pratique ici chez nous, ses notes dans ce cours se sont améliorées. Il s’est distingué et il fait les sciences à l’université », raconte Rosebella.
Des cours dispensés par Fundi bots dans des écoles.
De la robotique pour changer des vies
Henry, 26 ans, est formateur chez Fundi bots. C’est lui qui nous fait visiter le laboratoire. Une salle des trésors pour nos yeux qui n’avaient jamais vu de robots inventés par des Africains. Des sortes de rover en bois, avec des cartes imprimées aux schémas exceptionnels, ou encore une imprimante 3D. Tout un équipement ! Nous étions ébahis par tout ce que nous voyions : le respect des proportions et des détails sur ces robots, etc.
Henry nous explique ses motivations : « Personnellement, j’aimerai changer la vie des gens grâce à la robotique. Je compte travailler sur une application concernant l’agriculture et ainsi permettre aux agriculteurs ougandais de majorer leur rendement et leurs revenus par ménages. »
Henry, responsable du secteur électronique chez Fundi bots.
Il convient de préciser qu’Henry détient un diplôme universitaire, mais dit n’y avoir presque rien appris de concret. Fundi bots est l’école où ses capacités se sont exprimées. Aujourd’hui, sa plus grande joie réside dans sa capacité à créer de nouveaux concepts, ce qu’il n’aurait pas pu réaliser ailleurs qu’au labo Fundi bots, estime-t-il.
Pour Solomon King, changer ou impacter une seule vie c’est déjà une réussite. Il nous révèle qu’il y a des dizaines d’histoires de vies changées positivement depuis que Fundi bots existe : « Nous avons déjà eu plus de 3000 apprenants dans nos murs, et les années suivantes nous comptons nous installer au Rwanda et en Tanzanie grâce à l’aide de nos partenaires. »
Solomon King déplore que le gouvernement ougandais, qui a promis d’insérer la pratique que fournit Fundi bots dans le programme national de l’enseignement, tarde encore à concrétiser sa promesse. « Comme d’habitude, ils promettent plus qu’ils ne réalisent », affirme Solomon King. Il reste confiant pour la suite du programme et son rêve ultime est que d’ici à 20 ans, l’Afrique ait comblé son retard en matière de technologies et d’emploi des jeunes.
« Mais si possible nous aimerions y parvenir en moins de temps », espère-t-il avec confiance.
Ce texte a connu la participation de Hugues Safari et Ninahazwe Lucia Bella, blogueurs chez Yaga Burundi.
Merci pour ce bel article qui nous fait découvrir la belle face de l’Afrique.
All the Best #KING