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La galère que les Congolais vivant à Paris n’avouent jamais à leurs familles au Congo

Poto ou bulaya (l’Europe en lingala et en swahili), tout y paraît rose dans l’imaginaire de plusieurs Congolais. Pourtant, nos concitoyens venus ici à Paris par exemple, vivent souvent la pire misère, mais ils n’osent l’avouer. Je vous raconte l’autre face de la vie de la diaspora congolaise.

J’ai décidé d’écrire ce billet quand j’ai vu un homme assis devant un restaurant africain ici à Paris et qui ne bougeait presque plus. Cet homme dégageait une telle puanteur, il était tout sale et de sa bouche dégoulinait un liquide jaune dont je ne saurais dire l’origine. Il maugréait avec des mots inintelligibles en lingala. C’était l’archétype d’un homme qui n’en peut plus. Un homme qui a dû renoncer sous la pression de la vie. Un homme désillusionné, qui a dû tout quitter dans son pays le Congo, pour venir vivre un rêve qui finalement s’est avéré son pire cauchemar. Je pense qu’il s’est rendu à l’évidence que l’Europe ne pardonne pas, et que ce n’est pas du tout cet eldorado que l’on nous vend. Il faut réfléchir deux fois avant de tout abandonner au pays et venir poursuivre un rêve illusoire ici.

Je vous parle en tant que votre compatriote congolais, en situation légale en France, et témoin oculaire des désillusions de beaucoup de mes frères.

Quand on réalise qu’on a tout abandonné pour du vent

Vivre en Europe est une pression permanente. Cet homme dont je parle, je l’ai rencontré le premier mai 2019, jour de la fête du travail. Hélas, lui n’a pas de travail, c’était évident. Chaque début de mois est un nouveau cycle de stress en Europe. Il faut payer son loyer minimum entre 350 et 500 euros dans Paris, renouveler son titre de transport ( pass Navigo) en Île de France, 76 euros. Il faut ajouter à cela un minimum de 10 euros pour laisser sa ligne de téléphone active, sinon on te coupe et tu ne peux ni appeler, ni recevoir d’appels. Donc qu’on le veuille ou non, il faut un minimum de 600 euros mensuellement pour vivre avec un minimum de dignité dans la capitale française. Mais, dans cette France où même les natifs ont de grosses difficultés, comment peut espérer s’en sortir un étranger, venu sans aucun moyen, et qui n’a aucune couverture sociale ? Supposons que, par je ne sais quel tour de magie, on arrive à s’offrir ce minimum-là. Il faut aussi penser à la famille qui, parfois, a tout vendu pour t’envoyer en France. En retour ils attendent de toi que tu payes toutes les charges au pays : il faut envoyer l’argent de loyer car la parcelle familiale a été vendue pour que tu ailles en Europe. Il faut  payer la scolarité des frères restés au pays, nourrir la famille, etc. Un stress sans nom. Mais comment gagner de l’argent dans Paris, comment avouer aux parents que « poto vie eza pasi » (la vie est très dure en Europe). Déjà, les parents restés au pays se vantent d’avoir un enfant en Europe. Leur dire que tu as échoué ce serait un déshonneur pour toi-même et pour la famille car on s’en moquera.

Les solutions qui ruinent le corps et l’esprit

Il y a heureusement une sorte de solidarité des Congolais ici à Paris. Ils vous apprendront à frauder le métro, faire plusieurs boulots au noir, fuir à la vitesse de l’éclair quand les policiers arrivent. Et pour les femmes c’est souvent la prostitution. Frauder le métro signifie sauter les barres ou se faufiler entre les personnes qui ont payé. Travailler au noir c’est des boulots non déclarés avec tous les risques. Il arrive que les patrons refusent de vous payer après un mois de travail parce que vous n’avez nulle part où vous plaindre ! Et la prostitution, allez par exemple à Château rouge. Si vous voyez devant certaines boucheries ou certains magasins des femmes au visage entre le jaune et le rouge, brûlé par des produits éclaircissants, mais avec les mains, les doigts et les pieds noirs comme du charbon, c’est à coup sûr des prostituées. Ce sont là les façons de gagner un peu d’argent qu’on enverra à la famille au Congo.

Beaucoup de Congolais de poto vivent un calvaire, mais ne le diront jamais aux familles restées au Congo. Finalement, au bout de quelques années, ils sont psychologiquement vaincus par la vie. Ils ne peuvent plus entretenir le mythe, ils coupent les ponts. Et là, commence la descente aux enfers. On commence à boire, à faire la manche, à acheter l’alcool de moins en moins cher mais fort en pourcentage. On quitte la location, on ne se lave plus, on se satisfait dessus les besoins naturels. Et petit à petit, on finit comme le monsieur dont je vous parle.

Mon seul conseil est que l’Europe ne sera jamais la solution si l’on veut avoir une vie de rêve. Je suis conscient que dans certains cas, mieux vaut souffrir en Europe que rester au pays. Mais il faut se demander si l’on a des nerfs assez solides pour tenir jusqu’à la vieillesse. Plutôt que brûler des milliers de dollars pour un rêve ici, pourquoi ne pas investir et se créer un environnement de prince au pays ?

 

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Les commentaires récents (17)

  1. Pour plus d’équilibre, le prochain numéro devra être consacré aux Congolais qui réussissent en Europe.

  2. Maintenant où irons-nous? en Europe problème, même chez nous au congo problème! nous sommes vraiment dans l’embarras! Que le bon Dieu nous aide.

  3. Mon frère, j’aimerais savoir si vous avez chercher à savoir pourquoi le monsieur se trouvait dans cette situation. La plupart de nos compatriotes congolais ont de graves problèmes d’intègration par ex: au lieu de chercher d’être régulariser nous cherchons à s’habiller, travailler dans le noir, louer des maisons. Or en faisant tout cela t’auras les difficultés même pour confirmer ta présence sur leur territoire. Surtout si tu es seul pas d’enfant, faut être trop prudent, travaillez c’est bien mais chercher les associations pour ta régularisation c’est trop bien.

  4. Chez soi est là où on décide de s’établir et réussir; j’ai eu presque la même expérience mais en Afrique du Sud et j’ai accepté de revenir au pays en dépit des conséquences sociales. Aujourd’hui, je ne le regrette pas du tout…

  5. Vous aviez raison sur beaucoup de points mais de lon côté je pense que vaux mieux brûler ses millions de dollars en RDC plutôt qu’en Europe.

  6. Vivre a l etranger, c eat pas une mauvaise chose car c eat in droit fondamental pour tout citoyen. Cependant, cet article ne parle que Des imigres economique, qui est une pratique a decourager, cependant tu devrait faire une vraie enquete sur le congolais vivant a Paris Dan’s tous Les angles voila, le vrai sujet qu on aimerait lire, Avantage et inconvenient, Des vrais success stories de CE qui on the reussi car surement ils sont la en brossant simplement CE Cote d echec, l sujet allais vraiment etre important pour valoriser Notre pays car en rien l impact de CE sujet positive pour notre valeur a Cote Des autres Diaspora, alors qu I’ll y CE qui souffre plus que l congolais (malien, ivoiriens mais aucun compatriote de CE pays parlera de cela pour leur dignite. Merci

  7. Commentaire : J’ai vraiment apprecier cet article. Bien souvent, les gens vendent un rêve, mais n’osent pas briser l’omerta. On ne se sent jamais bien que chez soi. Si il faut que j’aille, c’est en étant touriste. J’aime mon pays, fier d’être congolais.

  8. Je suis très touchée par cet article et remercie le confrère qui a voulu partager ce message, j’ai moi même étais à Paris l’an dernier et j’ai réalisé à quel point on se fait des illusions sur l’Europe, j’ai moi même vu les indiens braiser du mais à l’entrée des métro, certains demandaient l’aumône dans les métro, j’ai vu à la tour eiffel les africains vendeurs des souvenirs partir en fuite à l’arrivée des policiers, j’ai vu certains vendre de l’eau aux coins de rue, j’ai vu les clochard et tout ce que j’avais comme illusions avait changé, je suis de l’avis qu’il n’y a pas mieux que chez soi. Malheureusement cela est difficile à comprendre pour beaucoup. Merci Habari RDC pour cet article

  9. Le véritable problème de plusieurs congolais, ils préfèrent beaucoup plus vivre en Europe à la place de rester calmement dans leur pays. Personnellement je suis aussi congolais, j’avais voyagé pour les États-Unis pour des études, arrivé là bas j’ai rencontré plusieurs de mes frères congolais SDF qui n’acceptent pas l’idée de rentrer au congo par honte d’être considéré comme quelqu’un qui a échoué dans sa vie. Surtout avec les photos qu’ils prennent sur des monuments célèbres des États-Unis, c’est compliqué pour ceux qui sont dans le pays, ils s’imaginent à beaucoup de choses.

  10. J’ai lu et j’ai relu cet article, il me touche alors que je ne suis jamais allé en France. les tam-tams de l’autre côté du monde sont encore plus agréables, c’est ce que l’on a toujours cru.