L’inauguration en grande pompe d’un centre de correction des examens d’État en RDC, doté de logiciels alimentés par l’intelligence artificielle, marque une avancée technique incontestable. La ministre de l’Enseignement promet une réduction significative du temps de correction, des erreurs humaines et des manipulations frauduleuses. Une promesse séduisante, qui donne cependant l’impression de mettre la charrue avant les bœufs. Car si cette innovation frappe fort en aval, elle contourne largement les racines du mal qui en amont gangrène notre système éducatif.
En effet, la fraude à l’examen d’État s’installe bien avant l’ouverture des feuilles de réponses. Elle prend racine dans les centres d’examen eux-mêmes. Des mercenaires engagés pour répondre à la place des candidats, des surveillants complices qui ferment les yeux ou facilitent la tricherie, des inspecteurs véreux qui monnayent la fuite des questionnaires officiels. C’est là que la corruption se loge, s’épanouit, et ruine la crédibilité de nos diplômes. L’IA, aussi performante soit-elle, ne peut rien contre un système qui tolère ou encourage ces pratiques à ciel ouvert.
Un système éducatif dépassé par les enjeux de l’IA
Alors que l’IA est introduite comme solution technologique pour fiabiliser les corrections, le système éducatif congolais reste désespérément silencieux sur son impact global. Comment prépare-t-on nos élèves à vivre dans un monde transformé par l’IA, alors que nombre de nos enseignants ignorent tout de ses usages pédagogiques ? Quelle place accorde-t-on à l’esprit critique, à la créativité, à l’adaptabilité ? Ces compétences que l’IA ne remplacera jamais. Et surtout, quelle formation offre-t-on à nos enseignants pour ne pas devenir eux-mêmes obsolètes face à des élèves de plus en plus connectés ?
Il est urgent d’ouvrir un véritable débat de société sur l’intelligence artificielle dans l’éducation. Non pas pour la rejeter, mais pour mieux l’intégrer, l’encadrer, l’enseigner. Car si l’IA peut accélérer la correction des examens, elle ne corrigera jamais l’absence de vision, le manque d’investissement humain, et l’indigence de notre système éducatif. Tant que la réforme se limitera aux vitrines technologiques, elle ne fera qu’enjoliver un édifice qui menace de s’effondrer.