In extremis, le « chairman » revient dans son pays avec un scénario annoncé de come-back politique. Que pourra-t-il réellement faire ? Quelle sera la part de bluff du parcours prochain de l’ancien chef de guerre ? Sera-t-il roi, faiseur de roi ou trompe-l’œil politicien ?
Après une décennie verrouillée dans les geôles de la Cour pénale internationale, la carrure imposante de Jean-Pierre Bemba se profile à nouveau en République démocratique du Congo. Certainement habité par une profonde envie de revanche, le héraut du Mouvement de libération du Congo (MLC) vient-il libérer ce Congo qui s’est garanti, péniblement mais sans lui, une perspective électorale ? L’avenir proche le dira, mais ce retour annoncé, le mercredi 1er août ne laisse personne indifférent.
Entre la capitale Kinshasa et la ville de Gemena qui abrite la tombe du père de l’ex-chef de guerre, les militants et les autorités sont à pied d’œuvre, qui pour maximiser les effusions populaires, qui pour minimiser les risques sécuritaires. Et après ? Si un certain flou entourait tardivement les détails du retour de Bemba – du plan de vol au dispositif sécuritaire – que provoquera concrètement la présence du « chairman » en RDC ? Pétard mouillé ?
Des questions pourraient transformer l’événement en trompe-l’œil…
Première question : l’éclaircie judiciaire du vendredi 8 juin – l’annulation de la condamnation pour « crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité » en Centrafrique – débarrasse-t-elle définitivement Jean-Pierre Bemba de tout agenda à la Cour de La Haye ? Deuxième question : si le doigt accusateur de la CPI n’empêche pas Omar el-Béchir de vaquer à ses occupations présidentielles, les autorités congolaises feront-elles preuve de la même bienveillance que leurs homologues soudanais ?
Pour le porte-parole de la majorité présidentielle, Alain Atundu, le chantre du MLC ne pourra pas en être le porte-drapeau au scrutin de la fin de l’année. L’ancien vice-président restant concerné par des accusations pour « subornation de témoins », il tomberait sous le coup de l’article 10 de la loi électorale qui déclare inéligibles « les personnes condamnées pour corruption ». Le leader du MLC a pourtant affirmé, récemment, qu’il était le seul candidat de poids capable d’affronter le président Joseph Kabila. Trompe-l’œil pour trompe-l’œil, cette dernière candidature n’étant elle-même pas confirmée…
Cette tendance congolaise à l’illusion d’optique politique suscite une troisième question : quel sera le positionnement politicien exact de Jean-Pierre Bemba, tant il apparaît courtisé par de nombreuses pointures politiques ? L’opposition lui ouvre grands les bras. « Félicitations à mon compatriote J.P Bemba », s’enthousiasmait le présidentiable Moïse Katumbi sur Twitter, misant sans doute sur une candidature unique de l’opposition à laquelle le leader du MLC déclarait, quelques semaines plus tard, vouloir se plier. Mais on sait comment finissent les velléités d’unité, notamment en Afrique, comme on sait la capacité de certains régimes à retourner les opposants comme des crêpes.
Bemba aurait-il signé un accord secret avec Kabila ?
Et si le camp Kabila voyait en Bemba le énième opposant capable d’émietter les suffrages anti-Kabila ? Déjà les théories du complot vont bon train. Si l’acquittement de l’ancien vice-président a été qualifié par certains de « gifle » pour l’actuel président, une rumeur prétend que les amis-ennemis Kabila et Bemba auraient conclu un accord afin que le second retrouve sa patrie sans risquer des poursuites judiciaires en lien avec les affrontements armés, entre sa milice et l’armée congolaise, en 2007.
Katumbi, Kabila ou Jean-Pierre Bemba : qui profitera finalement du retour du « chairman » en RDC ? Si ce dernier ne se révèle pas aussi dévastateur qu’un « éléphant dans un magasin de porcelaine », il sera au moins un « chien dans un jeu de quilles ».
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