Coups « gratuits » de matraque, fouille des poches, gaz lacrymogène au poivre, intimidations… Tels sont les attributs courants des interventions des agents de la police à Kisangani. Souvent, ces pratiques sont exercées même sur des personnes non-violentes. Elles constituent donc un excès de force et une violation des droits humains.
Chaque fois qu’il y a une manifestation de contestation ou de colère, des agents de police ont recours à des méthodes brutales. Des fois, ils passent à tabac les personnes qu’ils croisent avant de les jeter comme des colis dans leurs véhicules.
Curieusement, même les personnes qui ne résistent pas et ne représentent aucun danger sont menottées et molestées : que dire du tirage de leurs habits, par exemple ?
Brutalités policières
Le 06 janvier 2020, en pleine journée ensoleillée, je suis dans un salon de coiffure. Tout à coup j’entends une voix forte crier en lingala : « Bo kanga nga kasi poche na nga te », pour dire « Arrêtez-moi mais ne touchez pas à mes poches ».
Une fois dehors, j’aperçois des agents de la police en train d’escorter manu militari un jeune qui résiste et refuse qu’on vide ses poches. Les policiers lui donnent des coups de pied, de genou, des gifles pour qu’il cède. Mais il ne se laisse pas faire.
J’ai eu alors l’idée d’aller vérifier chez les policiers s’ils sont vraiment conscients des tortures qu’ils infligent aux manifestants pendant les interpellations.
Un policier assume les faits
Je me suis donc rendu chez l’adjudant JD (pseudo), un policier réputé dans la répression des manifestations. En échangeant avec lui, il me dit qu’il considère les manifestants comme des « semeurs de troubles ». « Il faut user de la force pour leur faire peur. Sinon c’est eux qui vous blesseront », explique le policier.
Et donc, la violence, les tortures, l’usage excessif de la force dont font preuve les policiers pendant les manifestations, sont prémédités !
Qu’en dit la loi ?
J’ai ensuite eu une discussion avec un avocat, Dominique Kangamina. Pour lui, la loi de 2011 sur la criminalisation de la torture ainsi que la Constitution de la RDC, (article 16) interdisent la torture et tout traitement cruel, inhumain et dégradant. Pour ces faits, le coupable peut écoper d’une peine allant de 5 à 20 ans de prison.
Plusieurs Congolais ont déjà tenté de porter plainte pour tortures, coups et blessures contre les forces de sécurité congolaises. Mais ces affaires judiciaires finissent toujours sans suite.
Il est urgent, dans un Etat qui se veut « de droit » comme le nôtre, d’instaurer un système d’identification comme en France par exemple, un système qui permet de mieux identifier les policiers intervenant dans les manifestations. C’est en portant, par exemple, une caméra qui les surveille. Ceci devrait, en plus d’une formation rigoureuse aux droits de l’homme, contribuer à réduire ce genre de dérives.