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Marcel Kapitène : « Je ne suis pas sur la voie d’abandonner la résistance pacifique ! »

Pour avoir participé activement à l’organisation de la journée ville-morte du 16 février 2016, appelant au respect de la Constitution et à la convocation du corps électoral dans les délais constitutionnels en RDC, Marcel Héritier Kapitène a été arrêté au secret dans la matinée de cette journée et envoyé plus tard à la prison centrale de Makala à Kinshasa. Interview. 

La vingtaine, Marcel Héritier Kapitène est un jeune activiste au sein du mouvement citoyen pro-démocratie, de Lutte pour le changement (LUCHA) à Goma. Il a été libéré récemment, par une grâce présidentielle, de la prison centrale de Makala, après y avoir passé plus de six mois en détention. Il raconte son expérience. 

Comment s’est passée votre arrestation ? 

Marcel: J’ai été arrêté dans la matinée du 16 février 2016, pour avoir activement pris part à l’organisation de la journée ville morte. Il s’agissait de rappeler à la mouvance au pouvoir en RDC, que le second et dernier mandat constitutionnel de l’actuel président de la République expire le 19 décembre. Et il n’est pas question que la loi fondamentale soit modifiée.  

Avant mon transfèrement à Makala, j’ai d’abord été gardé en secret successivement deux jours, au cachot des services de recherche du Commissariat provincial de la police de Kinshasa. Puis une nuit, dans l’un des cachots du quartier général de l’Agence nationale des renseignements. Ensuite, j’ai été amené au cachot du Parquet général de la Gombe le 19 février vers 9 heures. J’ai atterri à Makala dans la matinée du 23 février 2016.

Dans quel contexte avez-vous été arrêté et avez-vous été bien traités ?

La veille de notre attestation, Bienvenue Matumo et moi avions été reçus par le sous-secrétaire d’État américain aux droits humains, avec qui nous avions discuté de la situation des droits de l’homme dans le pays. C’est au matin du 16 février, vers 5 heures de Kinshasa, que nous avons été arrêtés par des hommes armés et vêtus en civil. On a été fouillés. Et nos téléphones ravis. Aucun motif n’a justifié notre arrestation. À toutes ces étapes, nous n’avons pas été verbalisés. 

Nous avons été torturés. Un agent du District de la Funa m’a administré une gifle à l’oreille droite, le matin du 16 février quand j’essayai de m’expliquer. J’ai vite compris que nous n’étions pas des prisonniers comme les autres. Mais plutôt des otages. Cinq mois plus tard, déjà à Makala, j’ai perdu l’usage de mon oreille qui avait subi le coup. Actuellement, après les soins, tout semble normal. Je ne sais pas, si les effets reviendront dans l’avenir.

Comment la prison de Makala était ? 

Marcel: Je ne sais pas s’il faut parler d’une prison ou d’un centre de détention, ou d’un camp de concentration. Car Makala est dépourvu de mécanismes de rééducation des criminels. C’est le reflet de tout ce que nous voyons dans les films sur l’Allemagne nazie. Makala, c’est un véritable camp de concentration, si vous n’avez pas de moyens ou une personne qui vous assiste financièrement. Makala, c’est un cimetière des personnes qui respirent encore. Il faut des poumons et des nerfs pour y tenir. Dès l’entrée, vous vous nourrissez des brimades. On est tenu de faire avec. C’était alors le moment d’apprendre des petits travaux ou prendre des notes. 

En ce qui me concerne, j’ai peaufiné des notes. Je compte les intégrer dans l’un de mes deux livres en chantier. Je travaille depuis 2014, sur deux petits projets d’ouvrages sur la géopolitique congolaise et la dynamique sécuritaire dans la sous-région des Grands-Lacs. L’un d’eux va paraître très bientôt et devrait intégrer les épisodes de mon arrestation et les scènes de Makala.

Un activiste en prison a-t-il droit à un traitement spécial ?

Un activiste, c’est un prisonnier comme les autres. Il ne subit donc pas de traitement particulier de la part des services pénitentiaires. Personnellement, j’ai eu la chance d’y arriver pendant que d’autres amis y étaient déjà. Mais ça n’a jamais été facile. Le Congo, c’est une vaste prison en plein air. Makala c’est juste une prison fermée. On apprend à s’y adapter. Avec une capacité d’accueil de 1500 détenus et les effectifs actuels frôlant les 8000 pensionnaires, il faut s’imaginer la promiscuité ! 

En plus, la sécurité à l’intérieur de la prison est assurée par les prisonniers eux-mêmes. Les règlements de compte, justices populaires et multiples scènes de violences constituent le quotidien de la prison. Certains prisonniers conscients ont de l’admiration pour la lutte que nous menons. Gratuitement, ils essayaient de nous garantir un minimum de sécurité et nous éviter la violence. Mais la prison c’est avant tout : une vie en communauté. Une souffrance commune en quelque sorte.

Quel impact a eu votre condamnation sur votre lutte ?  

Pour moi, c’est juste un coup de théâtre ! Ce n’était pas moi à la barre. C’est la justice congolaise qui était à la barre de l’opinion publique. Pour avoir demandé à nos aînés de respecter les textes. Ils ont prêté serments. J’ai été condamné à 12 mois de prison ferme, pour incitation à la désobéissance civile et propagation des faux bruits. La Constitution de notre pays, oblige et donne mandat à chaque Congolais de protéger la mère patrie. La prison ne m’a jamais ébranlé, j’aime le dire. On ne choisit pas d’être militant. J’ai toujours estimé qu’on naît militant. Je ne suis donc pas sur la voie d’abandonner la résistance pacifique !

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