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Matanga à Kinshasa : quand les larmes cohabitent avec l’exhibitionnisme

En séjour à Kinshasa, un fait m’a particulièrement marqué : le « matanga » (en français : deuil, funérailles). Uniforme spécial, veillée mortuaire marathon, t-shirts,  bouquets de fleurs, badges à l’effigie du défunt, cahier de cotisation, location salle des funérailles … Bref, la manière dont le matanga est organisé à Kinshasa laisse penser à une fête.

En plus de la perte de l’être cher, le deuil est une occasion d’appauvrissement des familles kinoises. L’organisation des funérailles à Kinshasa est même bien plus qu’une fête. Catafalques VIP, corps gardé à la morgue parfois plusieurs semaines, exposition au funérarium, inhumation en grande pompe, accueil du clan élargi, tout est mis en place pour que le mort soit honoré. J’ai constaté que les obsèques sont très luxueuses à Kinshasa.

Dépenser beaucoup pour les funérailles plutôt que pour soigner le malade

Mourir et être enterré à Kinshasa coûte très cher. La chaine de dépenses commence à la morgue où le corps est conservé, le temps que la famille réunisse de l’argent pour les obsèques. Vient ensuite le choix du cercueil : le prix peut aller jusqu’à plus de 1000 dollars et varie selon le statut social ou le rang du défunt en famille ou dans la société. Ensuite, au lieu de se contente d’un funérarium, on emmène le défunt dans une salle de fêtes, pour une veillée mortuaire festive.

Au-delà du prix de location de la salle, les parents du défunt doivent également abreuver et nourrir les invités, souvent pendant plusieurs jours. A cela s’ajoutent les frais de transport du corps de la morgue au funérarium, puis au cimetière, les frais de location des bus pour transporter les membres du clan et des amis. On n’oublie pas les frais à payer pour la tombe et les fossoyeurs. Et au retour à la maison, la plus grande fête a lieu le jour de la levée du deuil. Ce jour-là, les dépenses sont extraordinaires. On veut montrer que la famille a des moyens.

Le deuil a perdu son caractère traditionnel à Kinshasa

Selon les traditions, l’objectif des funérailles est d’exprimer non seulement l’affection pour le défunt, mais aussi une compassion à l’égard de la famille endeuillée. On regrette sa disparition, on déplore la situation dans laquelle les orphelins et la famille du défunt se trouvent subitement plongés.

Malheureusement, le deuil est transformé aujourd’hui en des moments de réjouissances, à Kinshasa. Les funérailles sont devenues des lieux d’exhibition vestimentaire, une occasion de draguer les femmes, rencontres amoureuses, de débat politique ou encore un rendez-vous de la sape. Les commerçantes y vendent des pagnes, des cache-nez, des colliers, des chaussures et d’autres articles.

Les chants funèbres des femmes qui inspiraient la tristesse d’avoir perdu un être cher et dont la mélodie aidait à méditer sur le sort de l’Homme sur la terre, ont été remplacés par la musique dansante distillée par des baffles tonitruants qui empêchent de dormir. Il y a aussi toutes ces chansons obscènes, des garçons et des filles qui insultent, scandent des slogans immoraux… Ces scènes durent toute la nuit, leurs auteurs étant sous l’effet de l’alcool et des stupéfiants.

La veuve et les orphelins oubliés

A Kinshasa, les funérailles sont de plus en plus ostentatoires et onéreuses. Des familles organisent des cérémonies rassemblant des centaines, voire des milliers de personnes à nourrir. On dépense des fortunes pour des pierres tombales, des mausolées, des bouquets de fleurs et des stèles. On s’en fout de la situation financière difficile dans laquelle on laisse la veuve et les orphelins après des funérailles en fanfares.

 

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