Dans une ville où se bousculent des milliers de demandeurs d’emplois, à Lubumbashi qui compte déjà 2 à 6 millions d’habitants, posséder un emploi n’est pas une mince affaire. Certains, pour prouver qu’ils ont un emploi laissent les badges, les cartes d’accès ou de services parler pour eux. Sauf que cette attitude bling-bling est parfois source de malheur.
Kapinga (nom d’emprunt), la trentaine révolue, vient d’être recrutée dans une banque privée. Elle ne manquera pas de le faire savoir sans trop bavarder, en s’affichant avec son badge autour du cou. Elle témoigne : « J’ai toujours rêvé de porter le badge d’une grande entreprise. Après mes études en droit économique, c’est avec empressement que je déposais CV et lettres de motivation, mais sans succès. C’est au centième CV déposé que j’ai été embauchée. »
Seulement, la jeune femme ignorait que son exhibitionnisme la mènerait bientôt droit dans un gros pétrin. Tout allait bien jusqu’à ce qu’« un soir, en rentrant à la maison, quelqu’un m’a pointé une arme sur la tempe, à bord d’une voiture de malfrats que j’avais prise pour un taxi. Ils m’ont dépouillée et jetée au bord de la route, en menaçant de revenir me tuer s’ils apprenaient que je cherchais à parler de leur acte criminel ».
« Laisse parler ton badge ! »
On sait que les travailleurs du secteur privé sont généralement mieux payés que ceux de la fonction publique. Les sociétés minières, les banques… sont réputées meilleures payeuses. Alors on s’empêche rarement d’exhiber son badge, signe de réussite et de fierté. Les autres salariés, les fonctionnaires de l’Etat, par exemple, ne friment presque pas. Leur emploi paraît bien ringard, même devant de jeunes filles que l’on voudrait séduire ! Par contre, lorsqu’on pense avoir un bon emploi bien rémunéré, on exhibe son badge. « C’est même utilisé comme stratagème pour conquérir un cœur », avoue Cyprien, employé dans un grand groupe minier. « Tu abordes une nana, c’est à peine que tu parles pour convaincre. Car elle aura tout compris en jetant, même furtivement, un coup d’œil sur ton badge. C’est du genre, laisses parler ton badge ! », explique Cyprien.
Si le travail a pour objectif de donner au travailleur un statut social susceptible de le faire respecter, il y a des badges qui apportent mépris et discrimination à leurs porteurs. C’est le cas des badges des pauvres enseignants congolais. « Ce badge t’ouvre certaines portes et en ferme d’autres », répète à ses élèves un enseignant en mathématiques surnommé Newton. Il poursuit : « Tu as des endroits où l’on ne te donne pas de chaise parce qu’on sait que tu es dans l’enseignement public. Dans ce cas, pourquoi exhiber ce macaron ? » Plusieurs ont été refusés en mariage pour cela. « Enseignant du secondaire ? Dans cette école-là ?… », rigolait un jeune homme au sujets de ces enseignants démunis.
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