Il y a quelques jours, de violents affrontements ont opposé les FARDC aux Maï-Maï autour de Nyamilima et du parc des Virunga au Nord-Kivu. Nos vaillants soldats l’ont emporté sur les miliciens. C’est une victoire certes, mais le dessous est un drame, car même des enfants de 13 ans ont été tués. Les miliciens les utilisaient comme bouclier humain.
Ces enfants, souvent issus de familles pauvres, n’ont pas eu d’autre choix que de s’enrôler dans des groupes armés dans ce territoire de Rutshuru où l’autorité de l’Etat fait défaut. Les forces armées de la RDC ont dû les tuer parce qu’ils ont pris les armes contre la République.
Chaque ethnie protégée par une milice
Il existe au moins 70 groupes armés dans la seule province du Nord-Kivu et principalement dans les territoires de Masisi, Walikale et Rutshuru. Ce sont des territoires où règne beaucoup d’insécurité. L’absence de l’autorité de l’État y est criante. Plus grave, certains politiciens instrumentalisent les groupes armés pour un positionnement politique.
Dans le Rutshuru, les conflits entres les communautés Hutu et Nande sont à la base de la création des milices Maï-Maï Charles (du nom du chef de la milice). Ces Maï-Maï Charles sont souvent aidés par une autre milice se réclamant de l’ethnie Nande. Il y a aussi les Maï-Maï Mazembe, dans le Lubero, et les Maï-Maï Nyatura, milice pro-Hutu, soutenue par les rebelles génocidaires hutu-rwandais des FDLR.
Toutes ces milices enrôlent des enfants soldats, parfois âgés de moins de dix ans, non seulement pour gonfler leurs rangs, mais aussi parce que les enfants sont très téméraires aux combats. Ils n’ont pas conscience des dangers qu’ils encourent comme les adultes et s’imaginent dans un film de Rambo. Pourtant, c’est dans des guerres réelles qu’on les engage. On les recrute, soit de force, soit en leur faisant miroiter un travail qui sera bien rémunéré.
Miliciens ou soldats loyalistes, ce sont des Congolais qui meurent
L’opération des FARDC dénommée Sukola 2 lancée depuis plus de deux ans était censée neutraliser tous ces groupes armés du Rutshuru et de Lubero, mais les résultats sont maigres jusqu’à présent. Et quand bien même certaines batailles sont remportées par les FARDC, des dizaines d’enfants soldats tombent sous les balles, des mineurs qui ne sont pas juridiquement responsables de leurs prises de décisions.
Dans cette opération Sukola 2, des soldats FARDC tombent aussi, des pères de familles et des fils du pays qui ont prêté serment de défendre le territoire national. Ces pertes sont autant regrettables que celles des enfants soldats qui sont tués. Il y a aussi une dimension pathétique et atroce pour les familles des enfants morts. Dans les villages, on ne fait jamais leur deuil, de peur que les services du renseignement ne prennent la famille entière comme complice ou que certains soldats ne viennent venger leurs frères d’armes tués par ces Maï-Maï.
Le petit Afande Kibalisi, un enfant soldat tué au combat
Afande Kibalisi, 15 ans, ne savait pas qu’il allait mourir. Peu avant sa mort, voici comment il a expliqué les raisons de son engagement dans la milice Maï-Maï Charles : « Je n’allais pas aux cours, mes parents ne pouvaient plus payer ma scolarité. Je passais mes journées à errer dans le village. J’avais 13 ans quand je suis juste allé dans la forêt pour directement être enrôlé chez papa Charles afin de défendre mes frères Nande. Je suis content de faire partie de ce commando qui assure mieux la sécurité des villageois que les soldats des Forces armées de la RDC. » C’est ainsi qu’il parlait en novembre dernier. « Ce n’est pas par force qu’on m’avait recruté dans la milice, c’était ma décision », assumait le jeune combattant avant sa mort. Aucun deuil n’a été organisé en sa mémoire.
L’extrême pauvreté due au manque d’emplois dans ces zones et les conflits intercommunautaires sont les principales causes qui poussent les enfants à se faire enrôler dans les groupes armés. Au lieu de dépenser des millions de dollars pour des lobbyings aux États-Unis, le gouvernement congolais devrait plutôt créer des emplois pour éviter que des enfants et des jeunes se fassent facilement recruter dans des rébellions.