Au Congo, quand les dirigeants maltraitent le peuple de Dieu, des prêtres ne restent pas indifférents, ils réagissent. Depuis l’époque coloniale, des hommes de Dieu, en bons bergers, se sont opposés aux oppresseurs du peuple, souvent au risque de leurs vies.
Des hommes de Dieu ont aussi participé à la lutte pour l’accession de notre pays à l’indépendance. Parmi eux, il y en a qui ont réussi à faire fléchir certains mauvais dirigeants. De Simon Kimbangu à David Ekofo, voici le rappel de l’histoire de quatre religieux congolais qui se sont battus contre l’injustice, les inégalités et la dictature en République démocratique du Congo.
Simon Kimbangu, le « Nzambi’a Mpungu »
Il est pour moi le précurseur de la lutte ecclésiastique contre les régimes d’oppression. Tout remonte au 06 avril 1921. La République démocratique du Congo, à l’époque Congo Belge, est alors sous le joug colonial de la Belgique. L’homme de Dieu prêche un évangile assorti d’actes de puissance, de miracles, de guérisons mystérieuses… Il aurait même ressuscité des morts et rendu la vue aux aveugles. Mais surtout, il prêchait l’indépendance de l’homme noir, et un futur renversement des situations. Il prédisait un monde où l’homme noir dominerait sur l’homme blanc.
Quand il prêchait il disait : « L’homme noir deviendra blanc et l’homme blanc deviendra noir. » Une phrase qui révoltait les missionnaires catholiques et même protestants de l’époque. Un discours qui donnait le ton pour susciter l’éveil de la conscience de l’homme noir du Congo. Patrice Emery Lumumba en témoignera lorsqu’il déclarera : « Si seulement les militants du MNC pouvaient être cohérents comme les kimbanguistes ! »
L’évangile révolutionnaire de Simon Kimbangu aidera aussi à mobiliser les Congolais de l’époque jusqu’à obtenir l’indépendance le 30 juin 1960.
Cardinal Joseph Malula, l’homme qui gênait Mobutu
Nous sommes en 1965. Joseph Désiré Mobutu a pris le pouvoir après avoir chassé Joseph Kasa-Vubu premier président de la République après l’indépendance du pays. Le cardinal Joseph Malula donne l’appui de l’Église catholique au nouveau président qui « venait de rétablir la paix dans un pays déchiré ». Mais déjà à partir de 1966, le cardinal Malula ouvre son premier front contre le régime qui donnait plutôt des signaux d’un régime dictatorial. Et contre toute la colère du dictateur Mobutu, l’Église catholique menée par le cardinal Malula, se prononce pour une justice distributive envers les travailleurs en 1969.
La résistance devient encore plus farouche en 1971, lorsque le cardinal Malula s’oppose ouvertement à l’introduction des cellules de la jeunesse du Mouvement populaire de la révolution (MPR parti-État) dans les séminaires et écoles catholiques. Mobutu s’enflamme de colère et nationalise alors tous les établissements d’enseignements confessionnels, abolit les fêtes religieuses ainsi que les prénoms chrétiens, et lance une campagne contre l’Église. En 1972, c’est la zaïrianisation. Le cardinal Malula s’exile mais l’ombre de sa personne reste au Zaïre.
Cardinal Monsengwo inquiétait déjà Mobutu et depuis 12 ans, hante Kabila
Si je peux oser donner mon avis sur le digne héritier de la lutte du cardinal Malula, c’est bien le cardinal Laurent Monsengwo. Il est bien plus qu’un homme d’Église. Le « révéré » cardinal ne mâche pas ses mots face à un quelconque abus des autorités sur le peuple de Dieu. Lorsqu’il est nommé évêque en 1980, l’Église catholique entretient déjà un nouveau rapport conflictuel avec le pouvoir de Mobutu qui avait auparavant contraint le cardinal Malula à l’exil. A la base, l’église veut porter les frustrations d’un peuple zaïrois qui ploie sous l’autoritarisme, la corruption et la pauvreté. « Mon rôle était de tendre la corde sans qu’elle ne cède », avait confié le cardinal Monsengwo à Jeune Afrique il y a quelques temps.
Bras de fer avec le pouvoir de Kinshasa
Le 16 février 1992 : c’est la marche des chrétiens pour réclamer la réouverture de la Conférence nationale souveraine, CNS. Le cardinal Monsengwo encore évêque est à l’époque président de la Cenco (Conférence épiscopale nationale du Congo). Malgré la répression de la marche dans le sang, la CNS finira par être rouverte par Mobutu.
1994 : La Conférence nationale est désormais un Parlement de transition. Etienne Tshisekedi désigné Premier ministre ne s’entend pas avec le régime de Mobutu. Sans le dire ouvertement, Monsengwo soutient le renvoi de Tshisekedi ; Kengo wa Dondo prend la primature et le prélat reste à la tête du Parlement de transition.
Janvier 2015 : Monsengwo, déjà cardinal depuis 2010, dit non à une éventuelle modification de la Constitution. Une victoire car le projet est rejeté au Sénat.
Le 02 janvier 2018, Monsengwo déclare : « Il est temps que les médiocres dégagent et que règnent la paix et la justice en RDC. » Cette réaction farouche contre la répression de la marche du Comité laïc de coordination de l’Église catholique a eu son impact. Un véritable buzz sur les réseaux sociaux et à travers plusieurs médias internationaux, tout le monde en a parlé. Même le président en fin de mandat Joseph Kabila y est revenu lors de sa conférence de presse du 26 janvier passé. Cela traduit l’appropriation que tout le monde a accordé à cette évaluation faite du régime par le prélat catholique.
François-David Ekofo
Alors qu’il était acculé par le cardinal Monsengwo, le pouvoir en place comptait sur l’Église protestante, dont François-David Ekofo est l’un des pasteurs les plus populaires au pays. Curieusement, Ekofo s’est montré plutôt très critique face à un régime en dépassement des limites constitutionnelles. C’était lors de la commémoration de la mort de Laurent-Désiré Kabila, assassiné le 16 janvier 2001. Le pasteur Ekofo n’a pas mâché ses mots non plus pour dénoncer « l’inexistence d’État en RDC ». Une homélie devant plusieurs cadres du pouvoir ainsi que des proches du président Joseph Kabila. « Nous commémorons l’anniversaire de la mort de Mzee Kabila, et nous retenons […] sa pensée qui va traverser des générations et des générations de Congolais. Il nous a légué cette parole : ne jamais trahir le Congo », a lancé le pasteur avant d’en venir à cet énoncé cru : « Quel pays allons-nous léguer à nos enfants, à nos petits-enfants ? Nous devons léguer à nos enfants un pays où l’État existe réellement. Je dis bien réellement, parce que j’ai l’impression que l’État n’existe pas vraiment. »
Le pasteur Ekofo vit aujourd’hui en exil aux États-Unis.
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En RDC, le régime actuel est expert dans la manipulation. A part l’église catholique, d’autres temples viennent de fléchir. Imaginez-vous quand un une plateforme nommée association des jeunes musulmans kabilistes existe… cela prouve que l’infiltration du régime politique est grande