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En RDC, le pouvoir offre des béquilles à l’opposition

L’actualité politique de ces dernières semaines a été très bouillante avec le retour en force de l’opposition, largement aidée par la majorité au pouvoir. Jamais ces cinq dernières années, les opposants n’ont eu autant de vent en poupe que depuis la deuxième quinzaine du mois de mai 2023. Boiteuse, l’opposition s’est vu offrir des béquilles comme sur un plateau. Prochain objectif : apprendre à marcher normalement.

Le samedi 20 mai 2023 aura été le gros déclic. La marche de l’opposition, violemment réprimée par la police, a marqué un vrai tournant dans le rapport de force entre la coalition au pouvoir et l’opposition, menée par un quatuor de circonstance : Matata, Sesanga, Katumbi et Fayulu.

Deux images marqueront à jamais ce qui est, à mon sens, la première grosse bavure de l’ère Tshisekedi : l’une montrant un mineur malmené et trainé à même le sol ; et l’autre où l’on voit un jeune homme être frappé à l’aide d’un chevron. Dans les deux cas, on peut clairement identifier des hommes en uniformes de la police. On a beau dire que l’enfant était un « délinquant », mais rien, alors rien, ne pourrait justifier un tel niveau de violence dans un pays que le président veut un « Etat de droit ».

Oui, la police a promis de sanctionner les auteurs de ces actes répréhensibles, mais le mal est déjà consommé. Longtemps adulé comme un « démocrate pur-sang », le président Tshisekedi y a laissé des plumes. En témoignent la pluie de condamnations qui s’en est suivie. Comme si cela ne suffisait pas, trois autres événements sont venus noircir encore plus un tableau déjà sombre : refus d’accès à Moïse Katumbi dans la province du Kongo Central, perturbation du sit-in de l’opposition à Kinshasa, et l’annulation de la conférence de Matata Ponyo au Kwango. Autant de décisions qui permettent à l’opposition de s’offrir une nouvelle jeunesse.

Ces cinq dernières années ont été singulières en effet. Le régime avait fait jusque-là preuve de tolérance et l’espace politique ne semblait nullement muselé. Conséquence : les opposants devaient se battre sur le fond, en apportant un message cohérent et meilleur que celui du pouvoir, une tâche rude ! Cette réalité est maintenant révolue, alors que le quatuor en présence accuse dorénavant Félix Tshisekedi d’avoir plongé dans une « dérive dictatoriale » !

Pourtant, le président avait tout à gagner en laissant l’opposition tenir ses rassemblements. D’ailleurs, cela n’aurait en rien dérangé son pouvoir. Qu’on se le dise, si l’opposition avait marché de Super Lemba au Palais du Peuple, cela aurait-il conduit à la déchéance du président Tshisekedi ? Bien sûr que non ! Malheureusement, en voulant réduire ses adversaires au silence, le régime a clairement donné des arguments à des opposants qui en manquaient cruellement.

Certains diront que l’opposition a poussé le pouvoir à la faute. Toutefois, celui-ci avait la possibilité d’y échapper. Il a préféré tomber dans le piège. C’est aussi ça la démocratie à la congolaise.

 

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