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[Tribune] Covid-19 et l’Afrique : la bonne occasion de s’affranchir ?

Annoncé à des milliers de kilomètres comme apparemment un problème des autres, le coronavirus est devenu subitement le problème de tout le monde, sans exception. Chaque coin de notre planète a été visité par ce petit corpuscule que la science cherche encore à comprendre et à maîtriser. 

Une petite molécule a réussi à mettre le monde entier à genoux, et à inspirer des réflexions les plus variées dans les diverses disciplines, en mettant à l’avant plan les laboratoires virologiques et pharmaceutiques.

Si pour les uns il s’agit du « ciel » qui interpelle la terre et la met en garde ; pour les autres, il s’agit plutôt d’un phénomène objectivement empirique et explicable… Le moins que l’on puisse dire est que cette pandémie ne reste pas moins une énigme, un signe de temps.

La réflexion que nous proposons dans les lignes qui suivent, en partant d’un survol général de la crise actuelle, voudrait en circonscrire la compréhension et surtout la réponse dans le contexte africain, avant de s’interroger sur la leçon que le continent noir pourrait en tirer. Mais surtout, pourrions-nous nous demander si l’Afrique n’est pas en train de perdre une bonne occasion de monter son génie, de s’affranchir de la domination occidentale et d’affirmer ainsi sa vraie indépendance ?

     1. Tous vulnérables dans une même barque

Toute l’humanité s’est découverte dans une même barque où tous sont fragiles et sans défense, petits et grands, développés et sous-développés. Le premier à subir un tel défi et d’être frappé de plein fouet est l’Occident, souvent gonflé dans son orgueil et son autocélébration d’omnipotence.

Trois mois se sont écroulés sans qu’on n’envisage une solution thérapeutique efficace. Cette crise n’a pas manqué d’alimenter des soupçons des uns contre les autres. Le plus indexé est le système capitaliste « sauvage ». Même s’il n’est pas directement responsable de l’origine du virus, le capitalisme et sa loi du marché ne loupent pas l’occasion d’en tirer le plus grand profit.

C’est à la loupe qu’il faut scruter l’attitude des organisations mondiales à l’instar de l’OMS dont le plus grand financement provient des firmes pharmaceutiques. Selon une logique très simple de l’adage latin qui dit « qui accepte un cadeau vend sa liberté », cette organisation serait finalement prisonnière de ceux qui la financent et contribuerait à faire leur jeu.

Tout semble indiquer que le rôle de l’OMS dans la promotion de tel médicament au détriment de tel autre reste guidé par des intérêts obscurs. C’est dans ce cadre que l’Afrique entend d’une oreille sceptique et méfiante les mises en garde de l’OMS contre les explorations d’origine africaine, comme le cas de l’artémisia que Madagascar est en train de divulguer en guise de solution au Covid-19.

En effet, si le lien (de complicité) entre cette organisation et les firmes pharmaceutiques qui la financent venait à être démontré, il est clair que toute trouvaille qui ne répondra pas à un tel schéma d’intérêt « capitaliste », ne recevra pas le « placet » de l’OMS.

Soit dit en passant, l’interdiction que la même organisation a brandie il y a quelques temps contre le traitement alternatif à base d’artémisia dont le chercheur congolais le docteur Jerôme Munyangi s’est fait le porte étendard, cache à coup sûr la protection des intérêts des laboratoires pharmaceutiques qui produisent et commercialisent les anti malaria. Nous y reviendrons dans la partie dédiée aux leçons que l’Afrique devra tirer de cette pandémie.

Le tableau assez dramatique de la situation épidémiologique telle qu’affichée dans des panneaux aux allures des scores d’une compétition internationale où prendrait part chaque nation ne peuvent certes laisser indifférents les diverses personnes qui ont dans leurs mains les leviers de solution. D’abord le corps médical qui, à bras le corps, affronte non sans risque la maladie, à tâtons (surtout au début) et de plus en plus rassuré par un protocole thérapeutique qui, à défaut de guérir, soulage tout de même des symptômes principaux qui caractérisent la maladie.

Ensuite, les secouristes et les différents volontaires, engagés eux aussi à soulager tant soit peu les souffrances de toutes les catégories, victimes de cette pandémie. Mais de manière presqu’invisible, une chaîne de chercheurs de tout bord est dans une course effrénée vers la recherche d’un médicament et d’un vaccin. La longue annonce de probables solutions, déjà deux mois après l’explosion de la maladie en Chine, ne font pas encore l’unanimité du monde scientifique. C’est à se demander à qui reviendra ce grand prix international ?

Les gouvernements occidentaux s’attèlent quant à eux à juguler le marasme économique et ses effets dérivés provoqués par la pandémie du Covid-19. Chaque gouvernement des pays occidentaux tente de « venir en aide » aux populations en octroyant plusieurs lignes de financements et de facilitations.

Les dénonciations d’un certain affairisme autour de la pandémie pleuvent de partout. Les soupçons sur les visées dominantes des tenants du « nouvel ordre mondial » inondent la toile. Les gens ne font confiance ni aux discours officiels, ni aux stratégies mises en place, moins encore aux propos des médias. Tout semble répondre à un agenda que seuls les « décideurs » connaissent sérieusement.

     2. Et l’Afrique dans tout cela ?

Brusquement et curieusement coupable

Au mois de Février, alors que l’épidémie était encore une exclusivité chinoise, en Italie par exemple, le pont était vite établi entre la Chine et l’Afrique en tant que nouvelle terre de conquête chinoise. Le sort des Africains commençait curieusement à préoccuper les occidentaux quant aux conséquences désastreuses qu’aurait apporté le coronavirus dans ce contexte d’extrême pauvreté, sans infrastructures ni systèmes sanitaires adéquats.

C’était sans compter avec l’extra liberté du virus qui prend le chemin qu’il veut avant d’atteindre l’Afrique que tous voyaient déjà comme la cible la plus fatale de la bombe larguée depuis le pays de Mao Tse Tung (Mao Zedong). De la Chine où il est resté cloitré dans une seule région, le virus a pris le chemin de deux Corées avant de faire ses premiers grands ravages en Italie, puis en France et dans toute l’Europe, pour se répandre comme une poudre aux Etats Unis.

Sa visite en Afrique aura suivi le mouvement de vols internationaux. L’Egypte et l’Afrique du Sud, étant donné leur lien direct avec la Chine et l’Occident, ont été les premiers à connaître des cas de coronavirus. Les premiers cas en Afrique subsaharienne remontent à la seconde moitié de février où le Nigéria déclare son premier cas importé : un citoyen italien venu de Milan.

Dès lors, on commence à compter lentement, mais sûrement l’expansion de ce fléau sur le sol africain où la RDC déclare son premier cas (toujours importé) le 1er mars. Comment mon pays (RDC) s’est-il pris pour faire face à cette pandémie ? Nous y reviendrons bientôt.

En attendant, il sied d’interroger toute l’attention que les journaux et les médias occidentaux ont eu pour l’Afrique face à ce marasme. Cela avait tout de même l’air d’une compassion et d’une attention magnanime. Comment concilier cet élan de cœur avec un tel titre de journal : « Coronavirus en Afrique, danger pour l’Italie avec les arrivées des barques ».

Le titre est italien, à un moment, l’Italie elle-même fait la une des médias avec le record des cas positifs et des décès. Mais qu’en Afrique, après un mois depuis les premiers cas, la vitesse de la propagation du virus est d’une lenteur qui surprend heureusement et contredit les pronostics pessimistes de toutes les voies qui, à les scruter de plus près, cachent un sadisme inavoué.

Vers mi-mars, l’Occident et tous les autres pays décident de fermer leurs frontières. Chose que l’Afrique noire aurait pu faire par exemple dès le début du mois de février pour se mettre à l’abri de l’ennemi déclaré de l’humanité en cette année 2020.

Alors que le comportement du virus semble moins virulent par rapport au contexte chinois et occidental, l’Europe annonce ses couleurs à la prochaine réouverture des frontières (projetée pour septembre) : un test de coronavirus et un vaccin obligatoire avec l’octroi du visa.

Assez curieux comme disposition quand on sait que le contexte visé par cette mesure (entendez l’Afrique surtout) est le moins touché par le virus. A scruter de plus près une telle annonce, on pourrait affirmer qu’un vaccin existe déjà contre le coronavirus. Ceci donnerait alors raison à ceux-là mêmes qui dénoncent le caractère « affairiste » de la pandémie.

Toujours indexée, l’Afrique est pointée dans l’entre-temps comme champs d’expérimentation d’un vaccin aux contours flous, soupçonné de répondre à un agenda des « décideurs du monde », déterminés à s’assurer d’un contrôle démographique du monde et de l’Afrique en particulier. Ceci fait partie évidemment de toutes les théories « complotistes » apparues pendant cette période.

Les professeurs français Jean-Paul Mira et Camille Locht ont eu le malheur de déclarer tout haut au cours d’une émission télévisée ce que des milliers d’Occidentaux pensent tout bas. Une diatribe qui a repris au cœur de l’actualité l’éternelle question de la supériorité ou de l’infériorité de races, au point d’engendrer plusieurs prises de position des Africains surtout dans la diaspora, à la grande indifférence de leurs leaders politiques.

Les appels au rejet en bloc de toute idée de vaccination contre le virus se sont alors multipliés. Quelques cas de cynisme ont été signalés çà et là chez certaines personnes qui ouvertement souhaitaient que si la pandémie devrait faire des victimes, il était mieux qu’un tel ravage se fasse en Afrique.

Pour clore cette série de cas d’indexation négative de l’Afrique, il nous vient de citer les agressions des Africains en Chine où ils sont accusés de propager le coronavirus. Comme dans les précédents cas, l’Africain se retrouve brusquement d’être la cause et donc le vecteur du virus. Nous ne nions pas qu’il y a eu au départ un comportement incivique de certains Africains, rebelles aux dispositions sécuritaires mises en place par les autorités chinoises.

Une approche spécifiquement africaine ?

Une séquence de visioconférence entre le président congolais Félix Tshisekedi et son homologue malgache Andry Nirina Rajoelina est assez tranchante quant à l’option levée par les Africains face au Covid-19 : « Nous devons recourir aux solutions locales en valorisant le travail de nos chercheurs. J’ai insisté sur le fait que nous, nous devons compter sur nos propres scientifiques, sur nos propres produits. Il faut que dès maintenant nous puissions jouer sur nos atouts, valoriser la science africaine, ce que nous savons faire mieux, nos propres produits, nos propres inventions », a déclaré le président congolais.

C’était des suites de l’annonce fracassante de la solution malgache par l’utilisation de l’artémisia dans les soins et la prévention du coronavirus. L’approche spécifiquement africaine que nous aurions souhaitée est celle incarnée par Madagascar : contextualisation et dédramatisation.

Le chercheur congolais Jérôme Munyangi, qui s’est investi à démontrer les valeurs curatives de l’artémisia contre la malaria et qui fait l’objet de harcèlement de la part des maisons pharmaceutiques indopakistanaises qui ont l’habitude de commercialiser les produits antipaludéens, a publié une vidéo ce 24 avril dans laquelle il invite les Africains à se retourner vers eux-mêmes pour trouver des solutions locales contre le coronavirus, sans compter sur les Chinois et les Indiens qui déversent sur le marché africain des médicaments qui font plus de mal que de bien.

L’approche spécifiquement africaine que nous aurions souhaitée est celle incarnée par Madagascar : contextualisation et dédramatisation. Peut-on se réjouir que cette fois-ci est la bonne pour que l’Afrique s’autodétermine ? Nous y reviendrons.

La pandémie de coronavirus a eu entre autres effets, une résonnance presque raciale depuis son commencement, au point de réveiller une verve en faveur de la défense de l’identité noire (surtout). D’abord une fausse rumeur de la non « contaminabilité » des noirs a induit en erreur de nombreux ressortissants africains habitant l’Europe, au point qu’on a compté beaucoup de victimes parmi eux.

Une telle fausse rumeur n’a pas empêché certains noirs à attaquer, en signe de vengeance manifestement, la race « adversaire ». Un jeune nigérian publiait en italien sur YouTube une vidéo où il se réjouissait du fait que le coronavirus était venu décimer seulement les blancs racistes. Une grosse illusion, mais aussi une grande méchanceté à condamner. La vie humaine, qu’elle soit blanche, rouge, jaune ou noire, est sacrée.

Ensuite on a noté plusieurs indexations à l’endroit des Africains qui ont poussé ceux-ci jusqu’à un repli sur soi, outre certains rares traitements discriminatoires signalés dans des structures médicales en France notamment.

Par ailleurs, la complexité du phénomène a poussé les Africains dans la logique de l’adage propre à leur culture qui dit : « Lorsque tu te noies, tu tends à t’accrocher à la première branche possible que tu trouves. » Dans une telle logique, le recours à la médecine traditionnelle est apparu comme un raccourci. Avant ce regain d’appropriation et d’auto-détermination, l’Afrique s’est exhibée dans son rôle traditionnel de « suiviste », en appliquant un schéma typiquement occidental en mode « copy and paste ». C’est le cas de la République démocratique du Congo.

Un adage congolais dit : « Lorsque la pluie s’annonce au loin, prends soin de préparer le bois de chauffage. » La propagation de la pandémie à grande échelle aurait pu alerter les autorités du pays pour prendre les précautions nécessaires, en mobilisant par exemple les chercheurs d’une part et aussi le corps médical de l’autre, mais aussi en prévoyant des infrastructures pour isoler et soigner les éventuels malades.

Les investigations du docteur Didier Raoult de Marseille sur le traitement à la chloroquine devraient sonner comme un avantage pour le contexte africain habitué à ce médicament depuis belle lurette. Les chercheurs africains pouvaient mieux étudier le virus pour en comprendre le comportement, étant donné les accointances avec la malaria que suggérait un tel schéma de soin.

On pourrait arriver à montrer le rapprochement avec les maladies tropicales pour lesquelles les noirs ou les Congolais ont développé une certaine résistance par rapport aux Européens, et adapter alors un comportement conséquent, sans minimiser la menace. On aurait eu l’avantage de dédramatiser et d’éviter des mesures de distanciation sociale qui, pour plusieurs raisons, se sont démontrées difficiles sinon impossibles à appliquer.

La malaria par exemple, bien qu’étant la cause principale de mortalité en Afrique, fait partie désormais de l’univers normal et ordinaire de la vie africaine, alors qu’elle est une maladie très mortelle en Europe. Il a fallu que le docteur Raoult dise que probablement le virus pourrait ne pas trop se répandre à cause de la chaleur pour que les Africains répètent à l’unisson la leçon assimilée du docteur européen, comme si ceux qui manipulent les éprouvettes de nos laboratoires ne sont pas à même de lever un pan de voile de ce virus-mystère.

Les quelques solutions locales qui ont été exhibées étaient plus de l’ordre de la génération spontanée, sans précision et démonstration scientifique. Qu’un docteur dise qu’il a trouvé une molécule avec laquelle il est en train de soigner le coronavirus, sans avoir soumis au préalable ses malades au test du virus, peut avoir l’air d’un tâtonnement que la science ne saurait tolérer.

On a vu les marchés de Kinshasa être inondés de feuilles communément appelées « kongo bololo », comme solution miracle au corona virus. Le rapprochement avec la malaria ayant été fait, il était facile à notre peuple d’aller chacun par sa formule pour opposer une résistance farouche à cet ennemi. Toutes les recettes des racines et feuilles qu’on croit renforcer le système immunitaire ou combattre les maladies (sans nom) ont été exhumées, surtout si ces racines ou feuilles sont amères.

Et si l’Afrique pouvait en tirer le plus grand profit ?

Le premier remord qui nous vient de la gestion de cette situation est que l’Afrique a perdu une bonne occasion pour s’autodéterminer, même économiquement. Pendant qu’elle était encore immaculée, sans contagions, l’Afrique pouvait fermer ses frontières et s’isoler de l’Occident.

Pour contourner le problème de sa pérenne dépendance à l’Occident, une coopération en interne en comptant sur les puissances africaines telles que l’Afrique du Sud, le Nigeria, le Maroc et l’Egypte pouvait mettre en mouvement un mécanisme de commerce et de solidarité typiquement africaine, d’abord pour s’auto suffire et aussi être prête à desservir le reste du monde après leur lockdown. Ceci n’a pas eu lieu malheureusement. Personne n’y a pensé probablement. Mais surtout, le germe de la dépendance est profondément inscrit dans l’ADN des Africains, spécialement de nos dirigeants.

Les solutions internes à l’Afrique dans le contexte de la lutte contre le coronavirus pourront donner une impulsion neuve à recherche dans le domaine médical et dans beaucoup d’autres. Qui sait si de ce pas une solution efficace contre la malaria pourrait surgir ? Car, émancipés et affranchis des firmes pharmaceutiques qui n’ont que l’Afrique comme leur seule raison d’exister, les Africains pourront se concentrer à résoudre définitivement le problème de la malaria.

Déjà le rapprochement entre le traitement de la malaria et la cure du docteur Raoult doit avoir donné des insomnies à ces laboratoires qui produisent pour vendre à l’Afrique des produits qui, au lieu de s’attaquer à la racine, soignent simplement les symptômes de la malaria.

Ce pourrait même être une embuche à l’évolution de la recherche en vue du vaccin ou d’un médicament efficace contre le coronavirus. Car, peut-être que le vaccin anti corona pourra occasionner aussi un vaccin anti malaria. Ceci reviendrait à enlever à toutes ces firmes le plus grand débouché de leurs produits. Maintenant que la dénonciation de ces organisations multinationales et de leurs complices a été poussée au plus haut point, l’occasion pourrait être propice pour une vraie auto-détermination sur plusieurs plans.

     3. La grande leçon : refuser l’aide piégée et compter sur soi

Le suc du contenu que nous voulons développer dans les lignes qui suivent peut se traduire par la question suivante : pour prendre une tisane à base d’artimésia au pouvoir guérisseur démontré, l’Africain doit-il attendre l’avale d’une organisation – fût-elle l’OMS, sur lequel pèse le soupçon d’affairisme et de conflit d’intérêt ?

Le coronavirus pourrait-il donner aux dirigeants africains un sursaut d’orgueil et de dignité pour cesser de vivre la main tendue ? S’agirait-il d’un réveil du sommeil dans lequel l’Occident a toujours voulu résolument plonger l’Afrique ? Et le somnifère que la stratégie du dominateur utilise est à notre sens l’aide. Le réveil de l’Afrique passe par le refus de l’aide et la valorisation des échanges de peer to peer, à travers des échanges commerciaux à somme nulle, sans perdant ni gagnant.

Lorsque je pense par exemple au fait que le gouvernement de la RDC est en train d’attendre que le Fonds monétaire international lui vienne en aide avec un prêt de 365 millions de dollars, et que des Congolais sont poursuivis par la justice pour un montant supérieur à celui-ci, qui met à genoux nos dirigeants devant les portes de cette institution qui à son tour imposera des conditions qui vont dans le sens de l’austérité en rendant la vie des populations de plus en plus difficile, il y a de quoi s’interroger ! En réalité, qui aide qui ? Et qui a besoin de qui ?

L’aide à travers la coopération internationale est vue aujourd’hui comme une manière de pérenniser la colonisation et de maintenir la mainmise de l’Occident sur l’Afrique. Bien avant on était un objet de traite, après on est devenu son esclaves. Hier on était son colonisé, et aujourd’hui on est son pauvre à aider. Il n’y a que la forme qui change, la substance est restée la même.

A scruter de plus près, l’aide suscite des interrogations. L’aide systématique et structurelle fait parler d’elle. Les travaux des organisations internationales à l’instar de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international, des ONG… sont exposés à des critiques acerbes. Il y a beaucoup de voix qui s’élèvent pour critiquer la dérive d’un tel processus. Parmi celles-ci, la plupart sont les voix des personnes qui ont d’abord travaillé dans ces mêmes organisations. Le jugement à l’encontre des organisations « humanitaires » n’est pas souvent tendre de nos jours.

En effet, le contrôle de l’Afrique par l’Occident passe par un semblant de compassion et la solidarité hypocrite qui en découle. Il suffit de penser par exemple à la situation à l’est de la République démocratique du Congo où les puissances occidentales (les Etats Unis en particulier), par l’entremise du Rwanda et de l’Ouganda, entretiennent (avec la complicité des certaines autorités congolaises comme l’attestent plusieurs rapports internationaux) des groupes armés qui massacrent et tuent des populations, dans le but de ne pas faire échapper le contrôle d’une zone assez stratégique quant à ses richesses rares.

Il est facile de trouver en Occident, dans des lieux publics comme des aéroports, des stations de train, à la télévision ou sur Internet, les photos d’un enfant pauvre (souvent noir), sale, aux habits déchirés, avec des mouches sur les lèvres…

Ces photos sont exposées avec la bonne intention de sensibiliser en suscitant la compassion des bienfaiteurs. Elles ne laissent pas cependant indifférente la perception des gens qui les voient, surtout de ceux qui n’ont jamais été dans ces pays pauvres (les pays africains en particulier). Ces images engendrent ainsi préjugés et stéréotypes ou créent des stigmates. Elles ont la force et la capacité d’induire à penser que tous les enfants des pays sous-développés sont dans ces mêmes conditions. Et en ce sens, pour eux, tous les originaires de ces pays qu’ils rencontrent proviennent de ces conditions de vie. Ceci favorise donc la marginalisation et l’exclusion.

Depuis plus de 50 ans, des milliards et des milliards de dollars ont été versés aux populations du Sud (l’Afrique en particulier), en termes de prêts, projets, dons, interventions extraordinaires… sans trop changer réellement les conditions de vie des populations cibles. La plupart de ces aides se déroulent dans des contextes de guerres et des conflits, et que par ailleurs la majorité des organisations d’aide proviennent des milieux suspectés d’être le cerveau moteur de ces mêmes guerres et conflits. Les ONG et autres organisations sont suspectées de servir la cause des multinationales et d’utiliser l’aide comme un cadre d’affaires. Il est difficile que l’aide aux pauvres puisse marcher. Car les organismes d’aide ou d’assistance sont étroitement liés au système productif mondialisé.

Si l’aide doit voyager dans les valises diplomatiques de ceux qui produisent pour consommer, il est clair que dans ce contexte l’aide ne peut pas fonctionner pour le bien du pauvre. Il convient de bien comprendre que la plus grande partie de l’aide finançant les infrastructures n’est pas sans contrepartie.

S’affranchir d’un tel système dominateur ne peut sans aucun doute être le fruit d’une négociation ou d’un dialogue en douceur. Faut-il trouver un autre mécanisme pour ce faire ou recourir aux méthodes que tous les peuples de la terre ont toujours utilisées lorsqu’il s’agit de se réapproprier son destin et de s’autodéterminer ?

« Il y a quelque chose d’indésirable dans la liberté. Cette conquête est un casse-tête, ce privilège est contraignant et douloureux. Ce cadeau ne fait pas de cadeau : rien n’est plus donné, chacun est désormais comptable de son destin », disait Alain Finkielkraut. Et Louis Gauthier d’ajouter : « La liberté est un cadeau qu’on se fait à soi-même. » La liberté ne se donne pas, elle s’acquiert. C’est en ces termes qu’il faut concevoir le processus de la décolonisation.

Conclusion :

Toute somme faite, l’Afrique est persuadée que la solution au coronavirus sera typiquement africaine et qu’il n’y aura pas besoin d’attendre le médicament ou le vaccin qui viendrait de l’Occident. Dans l’entre-temps les mesures barrières et d’hygiène imposées et surtout le confinement peinent à être appliquées par la population dont la majorité vit au jour le jour et n’a donc pas le moyen de faire des provisions. Par ailleurs, en Afrique (surtout dans les villages) la maison (hutte) est pour dormir et conserver les effets, tandis que la vie se passe presque toujours dehors.

Espérons et prions que le temps donne raison à l’optimisme des Africains qui tendent à dédramatiser ce fléau qui laisse sur son passage des dégâts incalculables en termes de vies humaines et de crise économique.

Cependant, si la logique des Africains est toujours celle de dépendre de l’Occident et donc d’en rester éternellement redevables pour un semblant de charité (qui en réalité n’en est pas une), aucune recherche autonome ne pourra émerger. Les chantres de l’indépendance et de l’auto-détermination seront tout de suite rappelés à l’ordre.

 

 

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