Par quelle voie les policiers congolais obtiennent-ils leurs tenues de service ? On sait déjà que leurs valises contiennent rarement des tenues neuves ou de réserve. Un réel problème au quotidien pour ces agents de l’ordre.
Il y a de quoi s’interroger sur l’habillement de nos policiers. Plusieurs agents de l’ordre s’affichent avec des vêtements peu esthétiques et qui ne respectent ni leur dignité, ni celle de leur fonction. Décolorée ou ravaudée, la tenue policière en indigne plus d’un à Lubumbashi comme ailleurs dans le pays.
C’est par sa tenue qu’on le reconnaît ! Le policier congolais est parfois beau à voir dans sa tenue civile, mais dans celle de service, avouons-le, c’est rarement le cas. Généralement en RDC, le policier ordinaire ne reçoit d’habits de service qu’à l’occasion de grandes manifestations, comme les défilés.
Des uniformes de police sur le marché noir
On présente cette tenue, selon les cas, comme « symbole de fierté, cause de malheur et source de revenus ». Le témoignage d’un policier œuvrant à Lubumbashi en dit long. Nous gardons son identité anonyme, pour sa sécurité. « On devient l’homme de son uniforme », aurait déclaré Napoléon Bonaparte. Mais cette tenue vaut de l’or pour certains policiers congolais, explique notre source de Lubumbashi. Voici 11 mois qu’il a fini sa formation, mais n’a reçu de tenue que trois fois depuis son recrutement, explique-t-il. Et d’ajouter : « Par la suite, je dois tout acheter à mes propres frais. »
A la distribution des uniformes, les haut-gradés seraient favorisés et iraient jusqu’à détourner les tenues destinées à leurs subalternes. Même témoignage d’un autre policier de Bukavu, dans le Sud-Kivu. « Les commandants ont la chance d’arriver auprès du numéro un de la police. Ils peuvent facilement avoir leur tenue, parce que les tenues sont disponibles là et en grande quantité. Il arrive que l’on [la hiérarchie] instruise de donner les tenues [aux policiers], mais on les revend à 10 ou 20 dollars », peut-on lire sur le site riftvally.net.
Même « les bérets, les bottes et les ceinturons sont distribués par des circuits illégaux, selon les relations et les grades », déplore le policier de Lubumbashi. Sauf qu’ici, le prix de cet uniforme coûte entre « 30 ou 40$ », poursuit-il.
Mais les policiers ont-ils des droits ?
La loi n°13/013 du 1er juin 2013, portant statut du personnel de carrière de la police de RDC, définit clairement les devoirs du policier. Mais aussi ses droits, bien entendu, en plus des droits universels, inhérents à la nature humaine, garantis par la Constitution. Les droits à la dignité, à la santé, à la protection, notamment.
Parmi ses obligations, le policier de RDC se doit de « porter l’uniforme de son unité, de son service ou de sa spécialité », sauf dérogation spéciale (article 53). Nulle part dans cette loi, il est prévu qu’un policier soit mal vêtu, ou qu’il se débrouille seul pour payer son uniforme de travail. Encore qu’il n’existe pas de boutique où l’on vende cela.
Et l’hygiène du policier dans tout ça ?
S’il est regrettable de constater que nos agents de l’ordre les moins gradés sont aussi les mal vêtus, il est d’autant plus déplorable que la hiérarchie ne constate pas l’impact d’une tenue unique et malpropre sur la santé de son porteur. Les femmes qui sont dans la police sont encore plus exposées par ce genre de problèmes. Quand bien même chacun devrait s’habiller seul, comment le pourraient-ils ? Le prix d’une tenue dans l’informel a tendance à valoir jusqu’à la moitié de la solde des plus petits des flics.
Voilà qui contribue, en partie, au fait que des policiers rackettent des citoyens qu’ils devraient protéger. Le monde, dans la tête de certains flics, est ainsi injuste et insensible à leurs maux. Maltraités, ils sont en plus interdits de protester ou de faire grève. On ne peut accepter que le policier soit ce Congolais sans fierté ni dignité, et dont les habits sentent mauvais !
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