En mars 2020, j’avais mené une enquête sur la forte exploitation illicite du bois rouge entre 2013 et 2018 dans le Haut-Katanga. Après une visite au village Shonongo, dans la zone tampon avant d’atteindre le parc national de Kundelungu, j’ai rencontré un conservateur.
Un septuagénaire, couvert d’un manteau vert foncé, me rappelle illico qu’il s’agit d’un des agents de la conservation. Il prend place à côté du chef du village que je viens à peine de terminer d’interviewer sur le projet des forêts communautaires. C’est un projet du gouvernement congolais exécuté par la FAO, qui consiste à organiser des communautés locales en comités de gestion collective et durable des forêts claires du sud de l’Ex-Katanga.
« Les gens ont tout coupé »
Le conservateur que je découvre, est tout souriant et ne cache pas son enthousiasme pour les efforts communautaires en cours. Il en est à sa 4e visite, simplement pour s’assurer que les voisins de son parc n’ont pas abandonné.
« C’est un projet très utile, explique-t-il en se relevant partiellement du dossier de sa chaise en plastique. Il y a quelques années, nous avons frôlé la catastrophe. Les gens ont tout coupé ici, même de jeunes arbres, lors de la ruée vers le bois rouge ».
Ce mouvement qui a fait craindre la disparition de cette espèce déjà fortement exploitée en Afrique australe, s’est arrêté en 2018. C’est grâce à l’activisme de certains acteurs de la société civile comme l’évêque de Kilwa Kasenga, Mgr Fulgence Muteba, ou encore l’ONG Premi Congo.
Les exploitants, des citoyens chinois en personne ou cachés derrière des nationaux et de hauts responsables de l’Etat congolais, ont curieusement franchi certaines limites. « Ils sont même entrés dans une partie du parc de Kundelungu », déplore le conservateur dont les yeux « s’aiguisent » en racontant cet épisode. « C’est très grave, poursuit-il après quelques secondes de silence. Les gens veulent tout prendre aujourd’hui. On laissera quoi à ceux qui viendront après nous ? »
Protéger la nature devrait concerner d’abord les Congolais
C’est tout le problème aujourd’hui. À mon sens, la conservation de la nature en RDC ne devrait pas sonner comme une affaire de quelques étrangers amoureux de la nature. Puisqu’avant tout, il s’agit d’une conservation pour les Congolais. Naturellement, cette conservation doit être assurée par les Congolais.
Malheureusement, quand les politiciens veulent gagner une chose, ils n’excluent pas de recourir même à des moyens violents qui compromettent le vivre-ensemble et l’avenir de la communauté. On sait qu’il n’y a plus assez de diamant en surface dans le Kasaï, comme par le passé. Ceux qui creusent des fosses septiques ne ramassent plus de pierres précieuses. Il faut de grosses machines pour aller plus en profondeur. C’est un signe d’épuisement des ressources.
Devons-nous tout consommer aujourd’hui ? Allons-nous en même temps continuer d’engendrer ? Et les enfants, de quel Congo vont-ils hériter de nous, si nous détruisons tout aujourd’hui ? Si nous asséchons tous les gisements d’or, de cuivre, de cobalt, tous les bois précieux ? Déjà qu’il ne reste plus assez d’éléphants, d’antilopes un peu partout, de poissons comme avant l’indépendance !
Je crois sincèrement que c’est criminel d’aller exploiter ces ressources dans les espaces où elles essaient de se sauver de notre prédation.
Tout le monde, on se révolte !
Allons-nous continuer à tout épuiser ou faut-il aujourd’hui commencer une révolution de la conservation ? Pour ma part, étant donné qu’il y a un sérieux déficit de gouvernance environnementale en RDC, il vaut mieux renforcer les règles de conservation. Ou alors, maintenir celles qui existent.
C’est notre seul espoir d’espérer que certaines espèces survivent à cette faible gouvernance de la faune et de la flore. Il faudra naturellement que nous tenions compte des reproches formulés contre le système de conservation actuel, très dépendant des aides extérieures.
Les aires protégées sont donc aujourd’hui, l’espoir de survie et de régénération de nombreuses espèces. À nous de les protéger. Et, il appartient aux pouvoir publics de faire comprendre à la population qu’elle a beaucoup à gagner en préservant les aires protégées. Alors, tous on se révolte (pacifiquement !) contre la destruction de ces espaces ! Ni or, ni cuivre, ni pétrole, ni arbres ne devraient y être exploités.
Un bon article, bien fouillé. Courage