Promesses, actions, controverses, luttes et menaces de crises cataclysmiques : les mots de l’alternance au pouvoir, une première qui a promis d’en finir avec une histoire de violences qui caractérisent la RDC depuis bientôt 60 ans. D’aucuns voudraient bien que l’alternance soit le signe d’une démocratie qui se conforte ; d’autres, en revanche, en émoi, croisent les doigts. On redoute qu’une rechute ne devienne fatale à l’avenir d’une stabilité décousue.
Lorsque le 24 janvier 2019, Joseph Kabila passe le flambeau à son successeur, plus de deux ans après l’expiration de son dernier mandat constitutionnel. Beaucoup de Congolais retiennent le souffle. Le premier pas dans l’inconnu vient d’être posé. Certains, en effet, pensent comme Martin Fayulu que le nouveau chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, n’est pas l’élu du scrutin du 30 décembre 2018.
Les médias commencent d’ailleurs à publier des bribes de révélations qui suggèrent que le président entrant qui vient de s’installer a pris la place d’un autre. Fayulu lance sa lutte pour la vérité des urnes, ses proches de Lamuka ne le soutiennent pas dans cela.
L’espoir autour de l’alternance
Le Congo d’après la présidentielle de décembre 2018 offre trois visages contrastés, mais qui se côtoient malgré tout. Le jour de son investiture, le président Félix Tshisekedi a promis bien des choses qui se ramènent, en résumé à :
- Instauration d’un Etat de droit : protection des droits humains, liberté d’expression, opposition libre, médias érigés en quatrième pouvoir, changement des mentalités ;
- Bonne gouvernance et bien-être social : lutte contre la corruption et la pauvreté, réformes institutionnelles, notamment de l’administration et relance des sociétés commerciales publiques ;
- Rétablissement de l’autorité de l’Etat partout en RDC : lutte contre l’insécurité sous toutes ses formes.
Dans tous ces domaines, le président Félix Tshisekedi s’est montré plus volontariste. On se rappelle l’espoir suscité par l’alternance avec ces grèves qui se multiplient seulement une semaine après : des fonctionnaires publics qui réclament de nombreux arriérés de salaires.
Difficile d’oublier aussi un Félix Tshisekedi qui refuse de cautionner des bavures policières, notamment à Lubumbashi où une manifestation d’étudiants cause des morts. Des policiers sont jugés sans tarder et condamnés. Le message est alors clair pour tous : le changement. Les Congolais ne pouvaient espérer mieux, après plusieurs décennies de régimes sévères.
Sur le plan social, le président lance des programmes urgents marquant ses 100 premiers jours au pouvoir, bien qu’en réalité c’est allé au-delà de 100 jours. Des routes prioritaires et urbaines, des ponts, des sauts-de-mouton à Kinshasa censés désengorger les routes de la capitale, ainsi que des logements sociaux des soldats sont amorcés.
Les scandales, les crises, et le retour des vieux démons ?
Sur le plan politique, le président Félix Tshisekedi ne réussit pas vraiment à démarrer son mandat. Ses 100 premiers jours passent, il ne réussit pas à former le gouvernement, même s’il vient de nommer un Premier ministre, Sylvestre Ilunga, proposé par son allié le Front commun pour le Congo, majoritaire au Parlement. Le chef de l’Etat fait face à sa première limite structurelle : le FCC donne des signes qu’il ne lui fera pas de cadeau. On notera, sur le plan politique, des événements majeurs :
- Une trop rapide réapparition de son prédécesseur Joseph Kabila qui s’est retiré dans sa ferme de Kingakati, près de Kinshasa : il discute plusieurs fois avec lui, et les apparitions de Kabila semblent lui faire de l’ombre et fâchent parmi les partisans du nouveau président ;
- Un gouvernement d’une soixantaine de membres est formé après d’interminables discussions et même de premiers affrontements dans les rues de Kinshasa et de Lubumbashi, entre des militants de l’UDPS, parti présidentiel, et du PPRD du président sortant ;
- Les médias alertent sur la disparition de 15 millions de dollars sur des fonds destinés aux pétroliers en guise de compensation au gel des prix à la pompe. Les membres du gouvernement sortant sont cités, et Vital Kamerhe en tête, le bras droit du nouveau président qui prêche la lutte contre la corruption.
- D’autres scandales éclateront aussi au cours de cette première année : l’annonce de la célébration de l’an 1 de l’alternance devant coûter 6 millions de dollars ; des dépassements budgétaires excessifs, l’octroi des contrats publics sans appels d’offres d’après l’Observatoire des dépenses publiques, etc.
Anniversaire dans la controverse
Au final, l’an 1 de l’alternance se termine dans la controverse. Lors de sa dernière visite en Europe, le président Tshisekedi a brandi la menace de dissolution du Parlement si ses alliés du FCC continuent à bloquer ses actions.
De son côté, le FCC, par la voix de la présidente de l’Assemblée nationale, menace aussi de destituer le chef de l’Etat. Depuis le 20 janvier, à 4 jours seulement de cet anniversaire de l’alternance au pouvoir, les deux camps qui gouvernent ensemble vivent à couteaux tirés.
Ces crises ont ainsi suscité, chez les Congolais qui redoutaient une forte emprise de l’ancien régime sur le mandat de Félix Tshisekedi, le sentiment que le Congo n’avance pas. Mais en une année, Félix Tshisekedi l’a dit dans son discours sur l’état de la nation et cela peut se vérifier : le Congo s’est rouvert au monde et semble à nouveau fréquentable.