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« Les artistes ne peuvent rester apolitiques », affirment les combattants

Samedi dernier, la police française a annulé le concert du chanteur congolais Héritier Watanabe prévu à l’Olympia à Paris. L’aile dure de la diaspora congolaise, surnommée « combattants », s’est opposée à ce concert, accusant le chanteur de soutenir Kabila. Les combattants reprochent à Héritier de leur avoir refusé le droit de s’exprimer dans le concert.

Depuis six ans, ces Congolais de la diaspora empêchent tous les concerts en Europe des artistes congolais ayant chanté pour Kabila lors des élections de 2011. Pour sa part, le chanteur Héritier Watanabe qui, à l’époque était dans le groupe de Werrason, jure n’avoir jamais soutenu le régime en place. Pourtant, on l’a mis dans le même panier, surtout lorsqu’il aurait refusé de laisser les combattants venir passer un message aux dirigeants congolais en plein concert.

Habari RDC a rencontré en exclusivité Francis Mondombo, un « combattant » de Paris. Il est journaliste et travaille actuellement dans les assurances. Francis Mondombo est l’un des combattants qui ont tenté de convaincre Heritier de leur donner la parole pendant son concert, mais sans succès.

Habari RDC : Vous avez empêché l’artiste Héritier Watanabe de se produire à l’Olympia. Pour quelles raisons les « combattants » s’attaquent aux musiciens congolais?

Francis Mondombo: Les musiciens sont des leaders d’opinion. Ils ont un grand rôle à jouer pour le changement dans notre pays, mais ils ignorent cela. Par cupidité, ils prennent une mauvaise direction. Nous essayons simplement de les interpeller.

Que reprochez-vous particulièrement à Héritier Watanabe et à Fally Ipupa ?

Dans la situation tragique que traverse notre pays le Congo, ces artistes ne peuvent rester apolitiques. Tu ne chantes pas pour Kabila mais tu adules ses proches. C’est pareil ! Que ce soit ces musiciens qui ont des accointances prouvées avec le régime où encore ceux qui se taisent à tort, niet, ils n’auront pas de concerts ici en Europe.

Vous avez parlé d’une négociation entre Héritier et les combattants avant le concert, peut-on dire que vous ne vous êtes pas entendus?

Les négociations je les ai menées personnellement avec l’entourage de l’artiste. Nous avons proposé d’avoir un espace pour passer un message le jour du concert. Par crainte d’être appréhendé à son retour à Kinshasa, l’artiste a dit : « Non ». Autre chose, Héritier, très tenace, voulait à tout prix être le premier à relancer les concerts dans la diaspora, ce qu’on n’a pas apprécié.

Comment parvenez-vous à mobiliser des centaines de Congolais résidant à Paris, alors que vous n’êtes pas une structure organisée ?

Grâce aux réseaux sociaux, nous avons tissé une gigantesque toile d’araignée. J’ai fait Londres-Cologne-Bruxelles et toute la France pour conscientiser la communauté. Donc les leviers de mobilisation sont open.

Des observateurs jugent injuste votre attitude envers les artistes musiciens de la rumba congolaise. On vous accuse de vous être trompés de cible, qu’en dites-vous?

La cible est atteinte ! Toute la presse en France parle des opposants au régime de Kabila. Il y a déjà des répercussions.

Qu’attendez-vous de cette lutte? Espérez-vous obtenir gain de cause avec la même stratégie?

Gain de cause : en priorité c’est l’éveil des consciences. Un peuple conscient est plus fort qu’une bombe nucléaire ! Les Juifs en Israël lors des guerres contre les Arabes dans les années 60 n’avaient pas la bombe.

Vous prétendez lutter contre Kabila et son régime, jusqu’où comptez-vous aller ? Quelles sont les prochaines actions ?

Les prochaines actions, je ne peux pas les dévoiler ! Nous comptons parvenir à la chute du régime et de son système.

Votre combat vous le menez loin du pays. Pensez-vous que cela a un impact sur le pouvoir à Kinshasa ?

Le combat se fait loin du pays, mais le Congo est devenu Congo avec ses frontières à 8000 km, c’est à dire en Occident. Le prix du cuivre, du diamant ou du coltan est fixé à 8000 km. Le FMI et la Banque mondiale ne se trouvent pas à Kamina ou Matadi. L’opinion publique internationale et les dirigeants mondiaux sont importants pour nous !

Des politiciens proches de Kabila séjournent librement en Europe, mais vous vous attaquez plutôt à des musiciens innocents. Avez-vous peur des membres du régime de Kabila ?

C’est totalement faux. Corneille Nangaa ou Lambert Mende ne font pas de publicité en venant ici en Europe. Croyez-vous qu’un Mende annonçant publiquement son arrivée à Paris serait à l’aise avec nous ici ? Ils viennent en secret et ils repartent en secret.

De quoi rêvent les « combattants » pour la RDC?

Nous n’appelons pas cela un rêve mais un projet, c’est le bien-être de tous les Congolais et un Etat de droit pour notre pays.

Pensez-vous que des combattants souhaiteraient retourner au pays et participer à son développement?

Évidemment oui ! On est toujours mieux chez soi.

Beaucoup considèrent la plupart des combattants comme des voyous, des gens non instruits ou des loosers, est-ce la vérité ?

Moi un looser ! Ceux qui me connaissent peuvent en témoigner. Je n’aime pas parler de moi. Bien sûr, dans la mouvance combattante, il y a un peu de tout : des génies, des savants, des idiots, des cancres… Mais parfois il faut tout ça pour faire un monde ! Si il n’y avait que des loosers comme ils le disent, le préfet de Paris, un Monsieur qui a presque rang de ministre, aurait-il accepté de discuter avec nous ?

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