Quoique la Loi fondamentale de mon pays reconnaisse l’égalité entre les hommes et les femmes, dans ma province cela n’est pas du tout mis en application. Il y a plutôt des coutumes et des préjugés qui continuent de rabaisser la femme vis-à-vis de l’homme, même en ce 21e siècle. Des préjugés qui sont si présents et deviennent même des conditions sine qua non pour épouser une fille.
Dans notre société, la femme, pour être une bonne épouse, doit être inférieure, vulnérable et entièrement dépendante de l’homme. Ce que je dénonce, et ça doit changer. Il y a certaines phrases que tout le monde a un jour entendues au Nord-Kivu sur les femmes. C’est par exemple : « Une femme qui a fait de longues études sera une plaie dans son foyer, mieux vaut éviter de la prendre en mariage. » Sérieux ?
Comment penser que l’éducation soit une limitation aux qualités d’une femme ? Pourtant, c’est tout le contraire. Ces préjugés font que des filles arrêtent leurs études au niveau du secondaire. Une fille qui a son diplôme d’Etat est bonne pour se marier, et ne peut aller à l’université. Je me souviens de Rosa (nom d’emprunt) qui était une bonne élève à l’Institut Faraja de Goma. Elle s’était battue pour décrocher son bac en 2015. Depuis, elle est mariée et mère de deux enfants. Plus de perspective pour l’université pour elle, son époux ne le veut pas. Son époux était clair : soit les études, soit le mariage.
Il faut encourager les femmes
Les femmes qui ont quand même pu faire des études universitaires et qui ont réussi à trouver un travail, affrontent elles aussi des préjugés. « Il ne faut pas que l’épouse gagne plus que son époux, elle le méprisera à coup sûr ! Pareille femme est à éviter », dit-on ici. De tels préjugés selon moi doivent disparaître dans ma province. Je ne comprends pas comment on peut lier la réussite de l’épouse au mépris. Certes, il y a l’amour propre qui peut être nourri quand on sait que l’on gagne assez d’argent pour être indépendant. Mais je ne vois pas comment le seul fait qu’une femme gagne plus que son époux serait cause de mépris de l’époux. C’est souvent l’attitude des hommes face à la réussite de leurs épouses qui pousse ces dernières à changer, je crois. Tellement on pense que femme signifie subalterne, on digère mal son succès.
C’est ce qu’a vécu Brenda, elle raconte : « Quand j’ai eu ma promotion, j’ai eu à la fois un horaire un peu plus chargé. Il me fallait, des fois, rentrer un peu plus tard. Curieusement, les demandes de mon époux étaient de me voir à la maison très tôt ; il voulait m’imposer de prendre des congés pour m’occuper de certaines tâches domestiques que les enfants ou un tiers pouvaient très bien faire. Quand je ne le faisais pas, c’était la guerre à la maison. » Brenda a dû quitter son époux il y a un an.
Nos mentalités devraient évoluer. Le monde aujourd’hui essaie de remettre l’équilibre entre hommes et femmes. Combiens d’offres d’emplois ne voyons-nous pas avec mention : « Les candidatures féminines sont fortement encouragées » ? L’homme doit se préparer à la mutation de la société actuelle, sinon les femmes préfèreront de plus en plus rester seules.