Julienne Lusenge
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Julienne Lusenge : détrompez-vous la femme peut bâtir une nation !

Primée au  « 2018 International Women’s Rights Award » à Genève, lors du sommet sur la démocratie et les droits de l’homme, Julienne Lusenge est une militante acharnée des droits des femmes à Bunia. À cœur ouvert face à Do Nsoseme, elle nous parle de son combat.

Julienne est présidente du conseil d’administration de l’ONG Sofepadi et directrice du Fonds pour les femmes congolaises. Elle est surtout une activiste indomptable des droits de l’homme, des femmes et des filles en particulier. Dans l’équipe de Sofepadi, certaines femmes ont été des victimes. Aujourd’hui, elles apportent leur aide pour construire un environnement de paix. Julienne Lusenge parle de sa lutte quotidienne pour les droits de la femme congolaise.

Do Nsoseme : Julienne Lusenge, que pouvez-vous répondre au discours qui dit que les femmes ne construisent pas le pays?

Julienne Lusenge : Ce discours est démodé selon moi. Prenons l’exemple au niveau national. Si aujourd’hui le Congo subsiste, c’est grâce aux femmes. Ce sont les efforts des femmes mères de famille qui nourrissent les enfants, qui paient la scolarité, le loyer, les soins médicaux, qui prennent en charge la famille biologique et élargie. Cet adage n’a pas de sens et il n’a pas sa raison d’être. Nous avons construit le centre Karibuni wa Mama où les femmes de Sofepadi prennent en charge plus de 900 personnes par mois à l’hôpital. On ne peut pas dire que les femmes ne bâtissent pas une nation. Il est temps que ceux qui ont ces mentalités changent.

Depuis 2010, le centre Karibuni wa mama fonctionne pour une prise en charge médicale, psychologique et sociaux-économique des femmes et des filles victimes des violences sexuelles et basées sur le genre. Comment la mise en place de ce centre a-t-elle été rendue possible ?

Nous avons hérité ce centre médical de MSF Suisse suite à un appel à projet. Pendant trois ans, ils nous ont accompagnés, après ils nous ont laissés. Et depuis 2013, nous continuons nous-mêmes à gérer cet hôpital. Je me souviens, un jour je suis allée à Kinshasa pour mobiliser des ressources auprès d’une organisation internationale. On m’a demandé pourquoi j’ai accepté ce monstre qui coûte 50 000 $ ? Je leur ai dit, ce n’est pas un monstre, c’est l’unique centre ici à Bunia qui offre des services sur la santé aux femmes victimes de violences sexuelles, et d’autres formes de violences faites aux femmes. Cela exige un prix à payer.

Beaucoup de gens s’imaginent que c’est impossible d’avoir une femme à la tête de ce pays, avez-vous des ambitions politiques ?

Je voudrais bien un jour participer à la politique mais une politique qui travaille pour la population. Jusqu’à ce jour, mon objectif est d’éduquer la population sur leurs droits. La population devrait comprendre qu’elle doit poser des questions de redevabilité aux dirigeants. Que les jeunes et les femmes comprennent aussi leurs places et leurs droits. Quand la population est déjà suffisamment éduquée, là nous pouvons faire une bonne politique. Pour le moment, je voudrais vous dire que Julienne ne nourrit pas d’ambitions politiques. [Rires…] Mais je me bats pour le bien-être de ma communauté, surtout des femmes congolaises.

30 ans dans l’activisme ce n’est pas une mince affaire, qu’est-ce qui vous motive à ne jamais abandonner ?

C’est le changement que je souhaite voir dans ce pays pour que la femme ou la petite fille ne puissent pas subir les violences, et ne puissent pas vivre dans un environnement hostile aux femmes. Nous voulons préparer l’avenir de nos filles, de nos petites filles ; nous voulons un monde égalitaire, un monde où chaque citoyen se sent bien et vit dans de bonnes conditions. C’est cela qui nous motive.

 


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