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Kyungu wa Kumwanza, le maître funambule

Il ne joue pas dans l’équipe des perdants. Il a le flair du pouvoir. Le pouvoir en RDC ne fait aucun mystère devant lui. Il a servi Mobutu, Mzee Kabila, puis Joseph Kabila. Un ancrage au pouvoir dont je pense qu’il doit à son agilité politique et à son sens du compromis. Dans l’art du compromis, Gabriel Kyungu wa Kumwanza passe maître. Il ne surprend guère ceux qui le connaissent. Le voilà chez Felix Tshisekedi ! Vous vous demandez comment ? Suivez-moi dans ce billet. Visite guidée.

Gabriel Kyungu a souvent su s’élever au dessus des carcans des idéologies pour rejoindre de nouveaux régimes en RDC. Aussi j’imagine que l’idéologie chez lui est une frontière flottante. Sinon, comment réussit-il à cohabiter successivement avec des régimes parfois contraires à ses convictions ? Pour son goût du pouvoir et son habilité à s’y maintenir, j’en suis venu à le qualifier de funambule. Voici pourquoi.

Le spectre d’un passé très embarrassant

Au début de chaque mandature, j’étais certain de voir Gabriel Kyungu wa Kumwanza réussir à marcher sur la corde, en bon funambule, jusqu’à l’issue de la dernière présidentielle. L’élection de Félix Tshisekedi m’a cependant inspiré de préoccupantes interrogations sur son avenir politique. Gabriel Kyungu n’était pas seulement dans le camp des perdants opposés frontalement au nouveau président, mais ses rapports personnels avec Félix et son entourage était évoqué à travers le prisme d’un passé très embarrassant de Kyungu. L’homme était un farouche détracteur de Tshisekedi  père. L’estime dont il jouit dans le Katanga repose en partie sur son opposition doublée d’intolérance vis-à-vis de(s) Tshisekedi. Il est l’égérie de la cause identitaire katangaise, un combat identitaire emmaillé d’expulsions mortelles des Kasaïens du Katanga au début de la décennie 90.

Dans la mémoire collective katangaise, Kyungu est cependant un symbole, un rempart contre le  frère-rival voisin du Kasaï, ethnie dont est originaire Félix Tshisekedi et dont font partie la plupart des  membres de l’UDPS, le parti présidentiel. Le bémol à ce sujet c’est que Kyungu affectionne le fils de son ancien rival, avec qui autrefois il fut cofondateur de l’UDPS.

Cause identitaire, antagonisme et compromis

Dans cette posture, un compromis me paraissait on ne peut plus embarrassant. Je n’ignorais pas son talent funambulesque, son agilité à trouver des compromis. Mais cette fois le saut me paraissait encore plus délicat. L’incertitude gagnait du terrain même parmi ses adeptes dans l’ancien Katanga. Le spectre du sombre passé qui plane sur leur « baba » (père), comme ils l’appellent affectueusement, face au nouveau président et son entourage augurait un inconfortable rapprochement. Il y avait de l’humiliation et de la trahison dans cette cause identitaire autrefois défendue par Kyungu ; une cause sur laquelle reposent le fanatisme et le culte que lui vouent nombre de ses adeptes. Incrédules à la perspective de trouver leur compte dans le nouveau régime,  beaucoup de sympathisants du « baba » noyaient leur frustration dans des actes d’intolérances politique et tribale. Curieusement, Kyungu et le nouveau président qui le reconnaît comme baba, ont réussi la surprise.

Kyungu, l’art de se métamorphoser

Dès la campagne électorale de 2018, son parti Unafec, était derrière Martin Fayulu vainqueur autoproclamé de la présidentielle du 30 décembre. Le spectre des conflits identitaires historiques planant sur la situation post-électorale, les antagonismes de toujours pouvaient à tout moment éclater. D’ailleurs, des affrontements avaient eu lieu en pleine ville de Lubumbashi entre jeunes de son parti et ceux du parti de Félix Tshisekedi, d’après le maire de la ville. Mais comme toujours, Kyungu ne joue pas dans l’équipe des perdants. Ses escapades ont valeur de présage : quand il quitte l’équipe des vainqueurs, c’est que celle-ci va bientôt perdre. Quand il rejoint l’équipe des perdants, c’est qu’elle est sur le point de gagner. Ainsi donc, pour son flair du pouvoir et son habilité légendaire à se maintenir dans le giron du pouvoir et des compromis, à mon avis Gabriel Kyungu est tout simplement le maître funambule.

 

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Les commentaires récents (4)

  1. bravo, très bel article, ça serait intéressant d’en parler ici à l’shi dans une de vos manifestations annuelles  »café blog  » d’ailleurs c’est pour quand ???