À la veille de cette journée, les médias du pouvoir ont diffusé en boucle des appels au boycott. Un militant de Lumbumbashi parlait du « rendez-vous de la mort planifié par ceux n’aiment pas la RDC ». Le 16 février, la même personne salue « la maturité tant politique que démocratique du peuple congolais », qui selon lui, n’a pas suivi l’appel à paralyser le pays.
Et Lubumbashi, ville soumise ?
À Lumbumbashi, la journée a commencé avec moins d’entrain que d’ordinaire. Capitale de l’ex-Katanga, la ville est considérée comme un fief de Joseph Kabila. Quelques écoles consulaires restent fermées, les écoles publiques tournent au ralenti. Par crainte des violences, les parents ont préféré garder leurs enfants à la maison. À 9 heures, dans les arrêts de bus, on n’observe pas l’affluence habituelle. Pourtant, les conducteurs sont bien là ! On remarque des patrouilles policières renforcées aux points stratégiques de la ville. Le maire fait un tour de la ville, en invitant les commerçants à ouvrir leurs magasins. Un peu plus tard dans la journée, les écoles et les marchés reçoivent la visite du commissaire spécial et son adjointe, les chefs du Haut-Katanga.
A Kamalondo et à Kenya, communes les plus populaires de Lubumbashi, certains magasins sont restés fermés, tout comme les dépôts de boisson et les dibiteries. Dans la commune de Kenya, fief de l’UNAFEC de Kyungu, le marché central tourne au ralenti. Le siège de l’UNAFEC reste fermé. Près de la frontière zambienne, à Kasumbalesa, un témoin assure que la ville n’a pas connu de perturbation. « Hier comme aujourd’hui, Kasumbalesa reste pareille. Certains habitants se sont montrés inquiets, mais la vie continue son cours. »
Kinshasa, capitale vivante ou morte… !
Pendant que Lubumbashi échappe à la mort, sur la toile, des images montrent une ville paralysée. Mais il y en aura aussi pour une ville vivante, produite par le pouvoir. « Je sens comme s’il y a un ou plusieurs démons dans le ciel congolais, aujourd’hui. Dans mon quartier, on dirait que nombre des habitants avaient déménagé », affirme un Kinois de la commune de Matete, joint au téléphone. « Le pays n’a connu aucun ralentissement, à aucun niveau » affirme le pouvoir qui ajoute que les opposants qui veulent paralyser la ville « devraient avoir honte ». On en restera peut-être là. Mais des images prises par Radio Okapi, à la mi-journée, montrent que les grandes artères de la capitale étaient plutôt désertes.
La société civile hésite, puis condamne
La société civile a eu du mal à trancher sur l’attitude à tenir durant cette journée. Mais au cadre de concertation de la société civile du Katanga, à Lubumbashi, les responsables sont clairs : «ville morte, c’est anormale dans un pays où l’on vit au rythme du jour [au jour le jour]. Si les élections doivent avoir ce vent comme pont, l’échec est consommé. » Ils vont encore plus loin en affirmant que « déclarer une ville morte implique, pour les citoyens, que du sang coulera. Or dans ce contexte, on ne réussira rien. » Les chefs de la société civile critiquent le retard occasionné dans le programme scolaire et la manière d’honorer les victimes de la répression : « on pourrait bien méditer sur l’avenir de la nation que de le mettre en péril».
L’Eglises déçue !
« Nous déplorons qu’un programme de l’Eglise subisse une telle récupération politique. Nous n’avions pas prévu de marcher en cette date pour endeuiller le pays qui a déjà assez pleuré », regrette un prêtre diocésain de Lubumbashi. Le 16 février, l’Eglise entendait honorer la mémoire des victimes de la répression de 1992, mais aussi appeler Kinshasa à organiser les élections dans les délais constitutionnels. « L’Eglise est faite pour sauver les âmes, pas pour les conduire à la perdition » explique un catholique.