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Quand le malade devient un simple client

A peine après avoir admis en consultation un patient, les infirmiers accourent. Un geste normal, ou plutôt qui aurait pu être normal, dans une société normale. Sauf qu’à Lubumbashi au sud-est de la RDC cette gentillesse n’a rien de professionnelle. Elle est plutôt de nature d’un client face à une marchandise. Vous voyez ? Voici pourquoi.

Difficile d’imaginer qu’un infirmier puisse avoir une pharmacie portable. Etonnant aussi de savoir que les centres de santé ou hôpitaux dans le secteur public, manquent de médicaments dans leurs pharmacies. Jusqu’au paracétamol !

Sans gêne et devant le malade, un infirmier (ou une infirmière) sort de sa poche, seringues, cathéter, ampoule de Dipyron ou autres analgésiques. Bref, ces médicaments les plus administrés aux urgences.

Le malade ou son garde, doit naturellement donner l’argent au comptant pour obtenir ces médicaments. Généralement perturbés par l’urgence, ils ne réfléchissent pas et souscrivent à l’offre. Par ailleurs, le médecin ordinaire, jouant parfois au gentil et au chef d’orchestre, arrive pendant que la vente a pris fin. Il pose le diagnostic, établit une ordonnance et la posologie puis, demande quelques examens. Il repart, laissant le malade entre les mains de ses soignants naturels : les infirmiers vendeurs de pharmacies des poches. Difficile d’imaginer qu’il œuvre à côté de ces infirmiers, et ignore leurs bévues.

Quand l’infirmier fait la facture

Mais voyons ceci de plus surprenant : des médicaments qui manquent dans les hôpitaux, les individus qui y travaillent en ont dans leurs sacs ! Dieu seul sait dans quelles conditions ces médicaments, même étant encore loin de la péremption, se trouvent !

La maladie est passée, ou pas. Il faut sortir de l’hôpital. Ah, la facturation ! Un garde-malade constate que celle-ci est très salée et s’en plaint. C’est alors que l’infirmier énumère une liste d’examens censés être réalisés sur le patient. Sauf que là, le garde ne reconnaît pas tout, et il a bien vu. Mais qui départagera les deux ? L’un est en situation de force et capable, d’un seul mot donné au concierge, d’empêcher toute sortie jusqu’à ce que le paiement ait été fait ? Le pauvre grade malade de Lubumbashi s’exécute ou négocie. Dans les deux cas, il paie et fait la volonté de l’infirmier.

Un code d’éthique théorique

« Etant une profession de santé dont l’une des exigences est d’assurer la permanence au chevet du malade, la pratique infirmière est en toutes circonstances axée sur l’honnêteté », prévoit le Code d’éthique de l’infirmier. Il faut, en plus, de l’impartialité, de la transparence, de la clarté et une « observation rigoureuse des principes de justice, de morale et de dignité de la personne humaine ». Mais bon, voilà ! Ce ne sont que des principes, comme tous les autres : ceux que les politiciens, par exemple, ne respectent pas. N’est-ce pas eux, en effet, qui ne paient pas ou paient mal les infirmiers, les conduisant à ces dérives ?

Seulement à ce propos, j’aimerais non pas dédouaner les politiques de leur responsabilité, mais souligner qu’il n’est pas moralement soutenable qu’au motif qu’on souffre, on fasse souffrir les autres. Ou encore, que l’on se serve de la souffrance des autres. Infirmiers vendeurs ou commerçants, la pratique est pourtant répandue dans les hôpitaux publics.

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