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« Neci Padiri » : quand le dramaturge Michael Disanka peint l’héroïsme au féminin

La dernière création du dramaturge congolais Michael Disanka soulève l’épineuse question du mâle dominant, dans un monde sous le diktat du patriarcat. Neci Padiri (Oui mon père), pièce de théâtre créée au KVS (Théâtre royal flamand de Bruxelles) en mars 2023, est un plaidoyer pour l’égalité des genres. D’abord comme une ode aux héroïnes congolaises que l’histoire s’efforce à ignorer, la pièce de théâtre est ensuite un procès de ce que l’artiste appelle « une usurpation céleste ». 

Pour Michael Disanka, co-créateur du Collectif D’Art-d’Art,  il s’agit d’une imposture qui ferait de Dieu un homme. « Tout commence avec le fait pour l’Homme d’appeler Dieu « Notre Père », fait-il remarquer.

Le travail de Disanka, pour beaucoup d’observateurs, résonne comme un soulèvement contre le fait de ne peindre l’héroïsme qu’au masculin, il est aussi vu comme une revanche. Une revanche sur ceux qui ne voyaient pas le jeune Disanka réussir dans les arts du spectacle. Tenez, c’est pourtant l’un de ses enseignants qui, à cause du fait pour Michael d’être bègue, le lui signifie : « Le théâtre n’est pas fait pour toi ! » 

Mais, au lieu de tout abandonner, se laisser abattre par les propos désobligeants de son professeur, Disanka voit en cela le déclic pour percer dans sa passion : la dramaturgie. Il a alors une idée derrière la tête : trouver à tout prix, les moyens pour arriver à contrôler sa respiration et à fournir l’effort de bien parler. Un objectif atteint par celui qui, aujourd’hui, peut prétendre avoir créé ce qu’il appelle « la dramaturgie du bègue et du scratching (pour grattage) ». 

Michael explique : « Tout part de la tentative de faire parler le bègue que je suis. » Lui dont l’écriture s’impose comme une lutte d’alignements de mots. Une lutte semblable à celle que mène quotidiennement un bègue, quand il s’agit d’exprimer ses joies ou ses peines.

Héroïnes congolaises oubliées    

La pièce commence avec deux héroïnes jetées dans les oubliettes de l’histoire congolaise : Nzinga et Ngokady. Si la première s’est levée contre l’occupation du pays par les colons, la seconde révolutionnera quant à elle, la culture Kuba. Cela, en y introduisant deux masques représentant la femme et ne devant être portés que par les hommes. Une ouverture à la compréhension de la complémentarité et de l’égalité des genres, qui pour lui marqua « le passage du peuple Kuba, de la patrilinéarité à la matrilinéarité ». 

L’héroïne, c’est aussi sa défunte mère que Michael présente comme une muse. « Ma mère a été et est encore une pourvoyeuse, la source de la poésie que je fais mienne », confie-t-il. Disanka s’est mué en un artiste en mal de création et en péril au moment où il faisait le deuil de sa maman. Il conclut : « C’est pourquoi, Neci Padiri est, pour moi, un bréviaire. » 

Et si Dieu était une femme ?  

Pour l’artiste, la question ne se pose pas. « Dieu, qui créa l’Homme à son image, qui créa l’homme et la femme, n’a pas de sexe. » Pour lui, il s’agit juste d’une « usurpation céleste entretenue par l’homme, qui avait pour mission de tout nommer et tout construire ».

Cette envie de peindre l’héroïsme au féminin passe aussi pour le dramaturge Disanka, par la nécessité de réinventer le monde. « Il s’agit de lutter contre l’érection du mâle dominant comme norme absolue qui sous-tend la pérennité de la vie qui, sans elle, s’effriterait », estime-t-il. C’est peut-être pour cela que cette pièce, qui a connu le concours de Christiana Tabaro (RDC), Mumba Yachi (Zambie), Ta- Luyobisa (RDC) et Kady Mavakala (RDC), est une messe qui est dite par une femme !

Cela dit, il est clair que pareil objectif ne peut être atteint que par la réécriture de nos histoires individuelles et collectives. C’est cet appel à la prise de conscience quant aux réalités du monde, qui permet au théâtre de Michael Disanka de s’ériger comme un théâtre à notre image. Un théâtre qui nous ressemble, et dans lequel nous nous identifions !

 

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