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Politique congolaise : qui vainc par la plateforme périra par la plateforme

Joseph Kabila s’est-il piégé lui-même, en tentant de conserver les leviers du pouvoir par un scénario à tiroirs trop nombreux ? Et si, en explosant, le Front commun pour le Congo explosait, du même coup, la majorité parlementaire prévue ?  

Si le penseur Nicolas Machiavel avait lancé une sorte de prix Nobel du machiavélisme, nul doute que le président sortant de la République démocratique du Congo aurait pu le remporter plusieurs années de suite. Illusionniste de la politique politicienne, Joseph Kabila vient de dérouler un scénario qui relève tout à la fois du jeu d’échec et du billard à trois bandes. Les parieurs de courses de lévriers et les pêcheurs à la ligne applaudissent certainement l’usage combiné d’un double leurre politique.

Un faux calcul de la part de Kabila ?

Comme le faux lièvre qui sert à faire courir des chiens sur un circuit, le « dauphin » Emmanuel Shadary a tout d’abord détourné l’attention. Puis est entré en scène Félix Tshisekedi, comparable aux faux poissons dans lesquels les traqueurs de chair à friture dissimulent les hameçons. Au final, ni Shadary ni Tshisekdi ne devaient détenir réellement les leviers du régime relooké. Mais qui alors ?

L’excès de fourberie ne tue-t-il pas la fourberie ? Kabila n’a-t-il pas joué avec le feu ? Le voilà coincé entre programme de cohabitation et projet de coalition, entre Constitution invoquée et accord tenu secret, risquant de perdre son résidu de pouvoir par l’instrument même de sa victoire annoncée : le Front commun pour le Congo (FCC).

Des grognons au sein du FCC ?

Ceux qui ont adhéré, dès le mois de juin, à cette plate-forme politique peuvent-ils en faire le deuil, quand celle-ci a formellement remporté la majorité législative à laquelle la Constitution du pays confère, tout aussi formellement, le choix du gouvernement et de son chef ? Le président sortant peut difficilement rabattre le caquet des grognons tentés par la transhumance ; pas, en tout cas, en invoquant un accord Kabila-Tshisekedi tout au plus chuchotable. Et ceci même si le secret n’est que de polichinelle. La dernière adresse de l’ex-chef de l’Etat est apparue comme un aveu de l’alliance entre le sortant et l’entrant.

A filou, filou et demi : Kabila a tellement semé les graines du cynisme politique qu’il a fait des émules. D’un côté, des proches du nouveau chef de l’Etat pourraient débaucher certains partis du FCC pour faire basculer la majorité parlementaire présumée et substituer aux premiers ministrables de Kabila un chef de gouvernement à leur convenance.

Lutte de positionnement

D’un autre côté, des acteurs importants de l’ancien régime commencent à se désolidariser des circonvolutions stratégiques d’un Kabila qui a perdu l’aura du trône. Certains affichent, après coup, un positionnement idéologique « ni, ni » – comme le journaliste Jean-Marie Kasamba – tandis que d’autres jouent la carte des piques entre anciens camarades.

Si les kabilistes sincères perdaient leur ultra-majorité parlementaire jusque-là garantie par un FCC non fissuré, l’ancien chef de l’Etat perdrait son contrôle présumé du nouveau locataire de la présidence. Deviendra-t-il un capitaine sans vaisseau ? Les Congolais n’ont décidément guère besoin d’abonnement à Netflix : les rebondissements des plateformes politiques dépassent toujours la plus inspirée des plateformes de fiction…

 

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