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Procès Bemba : laissons les juges trancher

On peut comprendre la compassion des proches de Jean-Pierre Bemba. Mais il a déjà été reconnu coupable en mars dernier. Et les crimes sont graves : crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Des pillages, mais aussi des viols et des meurtres perpétrés en Centrafrique en 2002 et 2003 par des éléments de son mouvement de libération du Congo (MLC) qu’il avait envoyés en renfort au président Ange-Félix Patassé. C’est ce que l’on appelle en droit « la responsabilité pénale du supérieur hiérarchique ».

Pas de preuve contre Ange-Félix Patassé

Le fait qu’Ange-Felix Patassé, qui avait appelé Bemba à la rescousse, n’ait pas fait l’objet de poursuites, n’innocente pas l’ancien vice-président congolais. Vous pouvez demander au bureau du procureur à la CPI pourquoi il n’a pas ouvert de poursuites contre l’ex-président centrafricain. Fatou Bensouda ou un de ses lieutenants vous répondront certainement qu’ils ne disposaient pas de preuve assez solide pour le mettre en accusation.

Bemba a exercé un contrôle effectif sur ses hommes

Mais ils ont pu présenter des preuves contre le Congolais Jean-Pierre Bemba, aussi bien durant la phase préliminaire de « confirmation des charges » que lors du procès proprement dit. A chaque étape de la procédure, le sénateur congolais a été assisté par des avocats de son choix. In fine, Fatou Bensouda et son équipe ont réussi à convaincre les juges que malgré la distance entre son quartier général dans l’Equateur et la capitale centrafricaine, le patron du MLC avait exercé « un contrôle effectif » sur ses hommes déployés de l’autre côté du fleuve. La défense de l’homme politique congolais a vainement tenté de prouver le contraire : que les troupes du MLC envoyées en renfort à Bangui étaient passées sous le commandement centrafricain. Les juges se sont prononcés souverainement en mars dernier et ont rejeté l’argumentaire de Bemba. Les choses en sont ainsi à ce stade.

Une peine exagérée? 

Maintenant la question est de savoir si le bureau du procureur a requis une peine exagérée ou pas. Là encore, les juges trancheront. Ils ont écouté attentivement les arguments des deux parties : l’accusation qui a demandé une peine de 25 ans d’emprisonnement au minimum et la défense qui a imploré la clémence des juges, les priant de le condamner à la peine la moins lourde possible.

Attendons donc une fois encore le coup de sifflet final de la chambre en gardant à l’esprit que lorsque ces juges de première instance auront tranché, Jean-Pierre Bemba aura le droit de faire appel du verdict et/ou de la peine. Le procès risque encore de durer plusieurs mois, pour ne pas dire plusieurs années.

Ne pas prendre parti

S’agissant de la politique interne congolaise, je ne veux bien sûr ne pas prendre parti pour l’un ou l’autre camp, pour la simple raison que je ne suis pas Congolais. Mais permettez-moi tout de même de poser quelques questions. Fallait-il exonérer Bemba des poursuites pour les crimes commis par ses troupes en Centrafrique simplement pour ne pas priver les Congolais d’un tribun passé maître dans l’art de « chauffer les débats politiques » ?

Fallait-il ignorer les crimes de combattants du MLC à Bangui pour que le président Joseph Kabila, un jeune dictateur que je réprouve du reste, ne se retrouve pas sans opposant de taille ?

Les victimes congolaises de Kabila, victimes dont je suis solidaire,  pèsent-elles plus lourd que les victimes centrafricaines d’hommes du MLC ?

Le juste combat contre la dictature de Joseph Kabila doit-il dispenser ses opposants de crimes commis dans leur chère République démocratique du Congo (RDC) ou ailleurs ?

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