Joseph Kabila reste aux commandes de la RDC et il n’est pas isolé. C’est en tout cas le message qu’envoie la diplomatie congolaise. Elle se veut, depuis le soutien de l’Union africaine, agissante au point de rêver un siège au Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Elle vient de l’obtenir. De quoi en mettre plein les yeux à l’opposition qui mise sur une transition sans Kabila.
Les Kabilistes purs et durs célèbrent déjà cela comme un grand succès. Ils pourront à l’avenir, avec un peu de chance, se le remémorer tous les 16 octobre. Les Nations unies ont soutenu la candidature de la RDC, 151 sur 193, alors que le minimum requis était fixé à 97 voix. « Match esili », peut-on s’exclamer en Lingala. Les dés sont jetés.
Malgré l’opposition farouche des Etats-Unis de Donald Trump, la RDC siège désormais au Conseil des droits de l’homme de l’ONU. N’en déplaise à l’ambassadrice Nikky Haley, visiblement très importunée par ce vote. Bientôt, lors de sa visite à Kinshasa, elle verra que ceux qui disent du mal de la RDC ont tort et n’ont pas la bonne information, considère le ministre Mende, porte-parole du gouvernement congolais.
Mais quelle vaste blague s’indignent certains Congolais ! On aimerait dire que ceci sonne le glas du sérieux de l’ONU, incapable de consolider la paix durant 16 ans en RDC, un pays qui a vu mourir entre 3 et 6 millions de ses citoyens dans les guerres successives. Un pays où ont été tués deux de ses enquêteurs. Kinshasa avance la libération de prisonniers pour faits de guerre et faits insurrectionnels, au compte-goutte, à chaque fois pour signifier une « décrispation du climat politique ». Comment sans cesse décrisper ce climat si l’on admet au départ qu’il n’est pas crispé ? Les violences sexuelles auraient aussi baissé. La RDC vient d’être désindexée, en plus, de la liste des pays utilisant les enfants comme soldats.
Kinshasa, Goma, Lubumbashi et Mbuji-Mayi : des cimetières des droits citoyens
Seulement, on ne cite nullement les victimes des violations des droits humains. La « liberté d’expression, de réunion, de manifestation » n’existe ni à Kinshasa, ni à Lubumbashi, ni à Goma, ni à Mbuji-Mayi, des villes politiquement actives.
Dans son rapport du 2 octobre, le secrétaire général de l’ONU a pointé les forces de sécurité comme premières auteures des violations des droits de l’homme en RDC. Sur les 1 939 enregistrés de juin à août 2017, elles sont responsables de « 796 (cas), dont 27 % ont été le fait des FARDC et 26 % de la police nationale ». Un chiffre en augmentation par rapport au trimestre précédent. Dans ce rapport est encore signalé : « L’espace démocratique s’est encore rétréci, victime d’atteintes aux droits civils et politiques, notamment les libertés de réunion pacifique, d’opinion et d’expression. »
Trial International, une ONG de lutte contre l’impunité des crimes internationaux, indique que la RDC a déposé avec 7 ans de retard, son rapport périodique sur les droits de l’homme. Un rapport très attendu donc, sur les violences sexuelles. L’organisation révèle « une banalisation de la violence à l’égard des femmes » alors que les tribunaux sont insuffisamment équipés, le personnel judiciaire mal formé et les ONG assurant les responsabilités de l’Etat incapable.
Avouez que la RDC est un modèle des droits de l’homme !
Curieusement, c’est ce pays qui recueille le plébiscite de l’ONU, et qui doit représenter l’Afrique aux Conseil des droits de l’homme. Le message est on ne peut plus clair, vous conviendrez avec moi. L’Afrique, le principal soutien à cette candidature n’a que faire des droits de l’homme. Et pas seulement. Puisqu’en même temps que la RDC, l’ONU a accordé aussi un siège au Mexique, au Qatar et au Pakistan. Il ne reste plus qu’à recommander aux pays de suivre leurs bons exemples.
Pour la RDC, on ne fait pas que banaliser la violence ou insulter la mémoire des victimes des répressions politiques. Les droits de l’homme deviennent une valeur relative, les libertés ne sont plus universelles. Au final, l’ONU ne représente plus l’idéal de paix, de libertés, d’égalité et de justice. Il ne reste plus qu’à la voir comme l’Union africaine, courant après le feu dans l’espoir de l’éteindre. Les optimistes aimeraient voir ceci comme une chance pour faire avancer la cause de l’intérieur. Seulement pour ce pays plongé dans les violences depuis 20 ans, avec ses 3 à 6 millions de morts, ceci pourrait constituer un précédent fâcheux.