J’ai été vivement frappé par cette adresse d’un ami internaute : « Pourquoi les habitants de Lubumbashi et de Kinshasa pensent-ils qu’ils doivent se faire élire seulement dans leurs villages, dans leurs territoires d’origine ? Les élections seraient-elles devenues une affaire de tribu en RDC ?… » La réponse est malheureusement oui !
L’ami a poursuivi l’interpellation : « Un gars, ministre ou je ne sais quel haut fonctionnaire, passe ses 30 dernières années en ville. Il est devenu plus citadin que villageois. Parfois, il a oublié jusqu’à l’essentiel de sa langue tribale. Au moment où monte en lui la vocation politique en vue des élections, le voilà courir chez lui au village. Pourtant ce type était déjà devenu plus kinois, lushois ou gomatracien (habitant de Goma) que réellement le gars bien placé pour défendre les intérêts de ses électeurs. Ce sont eux qui attisent le tribalisme électoral. Habitude à décourager en RDC. »
Ma réponse est simple : s’ils courent vers leurs villages, c’est parce que c’est là où ils sont sûrs d’avoir la plus large audience, où ils gagneront sûrement et à moindres frais au nom de la tribu. Pas plus. Sinon, ces gens n’ont rien d’autre à voir avec les villages.
Une question de fierté ?
Peu importe qu’ils aient passé des années en ville et qu’ils aient oublié jusqu’à plus de la moitié des mots de la langue de leurs tribus. Il suffit qu’ils arrivent et qu’ils se présentent comme des fils du terroir. L’éloignement de leur milieu d’origine devient même un avantage pour eux. Ils sont couverts d’une auréole. Ils ont le prestige de ceux qui ont réussi ou qui ont su réussir loin du village. Ils sont riches, bien habillés et roulent en limousine. Quelle fierté pour ceux qui les accueillent pour ainsi dire en héros, et qui pour la plupart sont restés pauvres et n’ont aucune ambition, ni culture politique !
Les villages sont dans l’allégresse de voir l’un des leur porté dans les plus hautes institutions de la province ou du pays. Il suffit pour nos futurs heureux candidats de jouer sur la corde sensible de l’appartenance à la même communauté, de promettre monts et merveilles, de distribuer des boissons, un peu de nourriture, quelques t-shirts, de la menue monnaie, et le tour est joué !
Les élections ont toujours été une affaire de tribu en RDC !
Cela a toujours été ainsi depuis la nuit des temps, euh… Depuis l’époque des indépendances. Parlons un peu de cette époque. Lorsqu’a soufflé le vent des indépendances, les grandes associations socio-culturelles se sont muées en partis politiques. La Conakat, c’était le parti des Katangais, avant d’éclater. L’Abako, c’était le parti des Bakongo. L’UDPS, qui allait naître plus tard, a longtemps été considérée comme le parti des Baluba du Kasaï. Ne l’oublions pas trop vite : en RDC, les candidats représentent des régions, pas le pays. Même à la présidentielle : Joseph Kabila représente l’Est et le Katanga, Vital Kamerhe aussi ; Léon Kengo l’Ouest, Olivier Kamitatu aussi, etc. « Même si l’homme est petit de taille, même si c’est un voleur, c’est le nôtre ! », dit-on souvent.
C’est viscéral, à mon avis, ce chauvinisme dont profitent nos politiciens et qui attisent le tribalisme électoral. Une très mauvaise habitude, et qui doit absolument être découragée en RDC. Je pense que les succès et les échecs de l’équipe de football de RDC ne laissant personne indifférent, c’est l’exemple à prendre pour le modèle du citoyen congolais.
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Bel article que j’ai savouré et dont je partage le point de vue. Il faut davantage sensibiliser et interpeller la communauté sur la nécessité de voter UTILE et non tribal. C’est un grand défi requérant de l’abnégation.