En matière de lutte contre les fausses nouvelles, le monde a sans doute beaucoup à apprendre du gouvernement congolais. La méthode est efficace : couper Internet. C’est aussi simple que cela. Quitte à souffrir des pressions et critiques.
Le moins étonnamment du monde, le ministre porte-parole du gouvernement Lambert Mende, dans une conférence de presse donnée le 3 janvier 2019, paraît décomplexé. Sans doute, couper Internet ou fermer des médias n’a rien de honteux, la fin justifiant le moyen.
Face aux journalistes européens, qu’il a tenu à ennuyer sinon humilier, le ministre congolais a dit haut et fort que son gouvernement n’allait pas céder aux pressions et chantages. Qu’elles viennent des médias puissants comme RFI, dans le viseur de monsieur Mende, ou de petits médias (congolais), que le ministre cite dans une quête d’appui en usant comme il sait le faire, de l’amalgame entre théorie du complot et anti-impérialisme occidental.
Blackout : que se passe-t-il pendant ce temps ?
Ce qui m’a surpris, n’est donc pas qu’Internet ait été coupé. On ne compte plus le nombre de coupures d’Internet depuis les élections de 2011. On sait désormais qu’au Congo lorsque arrivent les élections, les électeurs doivent oublier leur droit de communiquer. Y compris communiquer sur les élections et de s’assurer que leurs choix seront respectés.
Si Kinshasa reproche à Internet d’avoir permis la circulation de fausses nouvelles, ce qui est réellement arrivé, la coupure des communications favorise elle aussi les rumeurs. Mais pour moi le problème est plutôt ailleurs. Puisque les fausses nouvelles existent et ont toujours existé. Le gouvernement s’est bien choisi un vrai faux problème pour justifier la censure d’Internet. Car pendant que le silence s’est abattu sur la RDC, qui sait ce qu’il s’y passe et ce qui s’organise autour des votes ?
La question est : pourquoi couper Internet à chaque élection ?
Pourquoi à chaque élection doit correspondre des coupures d’Internet et des SMS ? Autrement dit, pourquoi, les années passant, les élections au Congo ont-elles tendance à se ressembler ? Comme en 2011, elles sont réputées cette année encore entachées de fraudes. Et l’on n’a pas besoin de déclaration de l’opposition pour s’en rendre compte. Le mal ici n’est pas que RFI donne la parole à des opposants qui critiquent la Céni, le pouvoir, ou à ceux qui donnent des tendances des résultats des élections censées restées secrets même lorsqu’ils ont été affichés devant les bureaux de vote pour être vus des électeurs.
La lutte contre les infox revient à l’Etat en premier
Je pense que les Congolais tentés d’altérer la vérité, qu’elle concerne les résultats des urnes ou tout autre sujet de la vie, ne disparaîtront pas avec la suppression partielle ou totale d’Internet. Ce ne sont même pas leur mort, leur mise en prison ou leur exorcisation qui pourront les faire disparaître.
Plutôt que d’en venir à dire que les infox ne finiront pas, je préfère dire que les Etats ont en premier le devoir de lutter contre. Une façon efficace à mon sens, serait d’éduquer les gens à la responsabilité, de lutter pour réduire l’impact des fausses nouvelles. Et c’est sans doute en laissant plusieurs opinions se confronter, les médias travailler librement, plutôt que de supprimer certaines voix.
Car à regarder s’expliquer les officiels congolais sur la coupure d’Internet, on a l’impression que la meilleure façon de lutter contre les fausses nouvelles. C’est comme si pour se libérer de la peur d’un serpent dissimulé dans sa maison, on devait la brûler.