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De « dawa » à « ma dawa » : quand est-ce que les produits de notre pharmacopée traditionnelle sont devenus des fétiches ?

Du swahili, « dawa » signifie médicament. Mais, une extrapolation a été créée pour dire « ma dawa », les fétiches. On dit alors de celui qu’on pense disposer de certains pouvoirs mystiques : « Eko na ma dawa. » (Il a des gris-gris). D’où cette question : de « dawa » à « ma dawa », quand est-ce que les produits issus de la pharmacopée traditionnelle africaine sont devenus des fétiches ?

La réponse à cette question est à trouver dans le travail de Grâce Kalima, opératrice culturelle et artiste multifonctionnelle congolaise. C’était lors de la résonnance de Congo Biennale à la Galerie d’art contemporain de Lubumbashi en 2022. Dans ce travail, l’artiste a présenté des photographies de certaines plantes médicinales très utilisées par nos ancêtres et que notre société est en train de perdre petit-à-petit. Grâce Kalima essaie de nous reconnecter à la nature. « Pour nos ancêtres, la pharmacie était la nature », rappelle-t-elle dans la note conceptuelle de son projet qui, pour elle, est une « exploration de la pharmacopée traditionnelle africaine ».

Le père de Grâce Kalima était médecin. Sa fille, l’artiste puise dans son expérience personnelle pour questionner la valeur de cette médecine qu’elle dit « gravée dans son ADN »  par rapport à la médecine moderne. Sans rentrer dans des considérations polémiques qui minimisent les bienfaits de la médecine moderne, elle veut tout simplement rappeler la richesse immense de la thérapie traditionnelle. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle nos facultés de médecine alignent dans leurs programmes, des cours de médecine traditionnelle.

La nature soigne d’abord l’intangible !

Ce principe est connu de la médecine, même moderne. « Le psychique influe sur le somatique », dit-on. C’est-dire que la personne malade est à prendre dans son ensemble avec toutes les entités physiques comme spirituelles qui la composent dans la démarche diagnostique et thérapeutique. C’est ainsi que « certains maux ont juste besoin des mots pour être soulagés », dit-on. On sait qu’il faut s’attaquer à la racine du problème pour mieux le résoudre. Et en Afrique on dit : « L’important c’est la parole. Les fétiches ne sont que diversion. » 

L’œuvre en question

C’est un triptyque de trois photographies de certaines plantes médicinales, prises avec esthétique, aux côtés des médicaments chimiques modernes. « Je les mets sur une même image afin de rappeler que c’est la même chose sans oublier que les médicaments chimiques sont au départ des plantes », explique Grâce.

Le dialogue voulu par l’artiste en mettant les médicaments de deux pharmacopées différentes ensemble, pose en même temps un questionnement. Et c’est bien visible sur l’une des photos avec la mention « solution » suivie d’un point d’interrogation. Kalima explique que « c’est pour se demander si notre ancienne médecine demeure encore la solution aux problèmes de santé, vu que durant des années c’étaient nos remèdes ».

En définitive, on peut noter qu’il  n’y a rien de « ma dawa » (fétiches ou gris-gris) dans la pharmacopée traditionnelle africaine, tout comme dans d’autres pharmacopées d’ailleurs. Les deux pharmacopées se nourrissent mutuellement et se complètent, pour le bien-être de nos malades. Sinon, on n’aurait pas le cours de médecine traditionnelle dans nos facultés de médecine. Ce qui explique que ce fantasme de « ma dawa » est à bannir.

 

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