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Felix Tshisekedi à la présidence : une victoire des Baluba ?

Aussitôt après l’annonce des résultats provisoires de l’élection présidentielle, la plupart de gens que je croisais affirmaient que le pouvoir venait d’échouer entre les mains des membres de la tribu Luba. Ce n’était ni la victoire d’un candidat, ni d’un parti moins encore celle d’une alliance politique Tshisekedi-Kamerhe. Pour mes interlocuteurs, toute personne d’ascendance Luba devait forcement se réjouir et fêter ce sacre. A quoi est due cette pensée dominante ?

Mardi 8 janvier, à bord d’un taxi je tombe sur une discussion sur le ton de la plaisanterie entre le chauffeur et un client. « Si Kabila ne veut pas de Fayulu à la présidence qu’il n’ose pas coopter Félix Tshisekedi », disait l’un, convaincu que le candidat de l’UDPS a surtout le désavantage d’être un Luba. Et l’autre de répliquer : « Nous les Luba prendrons le pouvoir un jour dans ce pays, vouloir ou pas. »

Vous pouvez me croire, ce n’était pas le premier débat du genre sur lequel je tombais en pleine rue ou dans un transport en commun. S’agissant de Félix Tshisekedi, la question a toujours été de savoir s’il y avait une place pour lui à la présidence étant donné ses origines ethniques. De son programme on s’en foutait. Ses soutiens comme ses détracteurs ont toujours vu en lui le représentant de la tribu la plus dominante du Grand-Kasaï. Ce qui reléguait au second plan toute considération à son égard. J’ai même entendu des gens avouer qu’ils accepteraient volontiers une fraude massive au profit d’Emmanuel Shadary, le dauphin désigné du clan Kabila, à une victoire du fils de feu Etienne Tshisekedi.

Etre chef de l’Etat au Congo, une fierté pour sa tribu ?

Kabila et ses trois prédécesseurs ont eux-mêmes toujours souffert de considérations d’ordre tribal ou linguistique. Pendant les 20 années du pouvoir des Kabila, on a toujours pensé à Kinshasa que le pouvoir suprême était aux mains des Baswahili (Terme qui désigne toutes les personnes originaires des provinces de l’Est comme le Katanga et les deux Kivu). Parler Swahili dans les rues de la capitale passait pour prêter allégeance à « la famille régnante ».

Et les 32 ans du pouvoir de Mobutu ont été mis sur le compte des ressortissants de l’ex-Province Orientale. On pensait que tous les pouvoirs et mérites revenaient à cette province. Le simple fait de parler Lingala à Lubumbashi laissait croire que l’on avait des parentés avec « Papa Maréchal ».

Il faut dire que nombre des leaders de la tribu d’un chef d’Etat au Congo n’ont jamais caché leur volonté de surfer sur ça pour affirmer leur suprématie sur les autres leaders. Leur état d’esprit peut se résumer en ceci : « Je fais partie de la même tribu que le président donc il faut me respecter. »

Des présidents au-dessus des considérations tribales

L’une des plus grandes chances de la République démocratique du Congo a sans doute était le fait que ses différents présidents ont toujours su dépasser des considérations ethniques pour privilégier un règne sur l’ensemble du territoire national. On connaît la célèbre phrase prononcée à chaque prise de fonction : « Je serais le président de tous les Congolais. »

Cette seule phrase a permis de sauver l’essentiel peu importe les velléités des uns et des autres au sein des oppositions. Ainsi donc, tous ceux qui ont publiquement détesté Kabila pendant 20 ans ont évité de souffler sur les braises du tribalisme ou du régionalisme pour avoir du capital politique. Tous ont pointé du doigt son maigre bilan. Et Félix Tshisekedi l’a bien compris car il a très vite rassuré les Congolais en disant : « Je ne serai pas le président de la tribu Luba mais le président de tous les Congolais. » La victoire de Félix Tshisekedi ne sera donc jamais celle d’une tribu sur les autres.

 

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