« Les marchés pirates », c’est ainsi que sont appelés ces commerces ambulants et leurs vagues de désordres publics à Lubumbashi. Des arrêts de bus encombrés, des routes parfois bouchées au risque d’accidents. À cela s’ajoutent ces traques incessantes menées par des policiers envoyés prétendument pour remettre de l’ordre.
Il faut que nos villes soient propres, qu’elles inspirent fierté et respect. Oui, les autorités ont le devoir de veiller à ces valeurs. Mais on ne devrait pas arrêter la logique à cela. L’ordre public, la propreté, c’est aussi que l’autorité publique favorise des conditions humaines de vie. Ces vendeurs à la sauvette ou ces « marchands pirates » comme on les appelle, sont victimes d’une misère qu’ils ne peuvent résoudre seuls.
Les marchés informels pullulent sur presque toutes les grandes artères du centre commercial de Lubumbashi, capitale économique de la RDC. Il semble qu’ils sont devenus l’unité de mesure de la misère du ménage lushois. Surtout en ce temps où nos ménages sont frappés de plein fouet par une grande crise socio-économique due à l’instabilité politique que traverse le pays. Si l’exploitation minière a repris après la chute du cuivre et du cobalt en 2016, plusieurs sociétés apeurées par l’instabilité politique, ont délogé beaucoup de leurs capitaux des banques congolaises.
Entre soleil et peur
« C’est faute de mieux et non par plaisir que je vends dans ces conditions », affirme Ilunga, la quarantaine révolue, marié et père de six enfants. S’il ne peut vendre pour vivre, même en étalant ses articles par terre toute la journée sous un soleil ardent, il serait considéré comme un père « irresponsable », affirme-t-il. Une insulte qu’il ne peut supporter, peu lui importe s’il tombe sur d’impitoyables maîtres de la ville. « Nous sommes tout le temps aux aguets car on ne sait jamais quand la police peut surgir », explique Ilunga.
Comme dans la plupart des grandes agglomérations de la RDC, nombreux sont ceux qui ont dû quitter les marchés formels. Ils ne peuvent y payer des taxes souvent salées, alors qu’eux n’ont parfois qu’un capital de 10 dollars américains pour leur commerce ! Kabulo par exemple, rencontré devant le marché Lunsonga au centre-ville de Lubumbashi, craint de perdre plus dans les taxes qu’il ne gagne. « Ma condition économique ne me laisse guère le choix, dit-il. J’ai abandonné ma place au marché Mzee, car j’avais constaté que c’est moi qui perdais chaque jour ».
Articles difficilement achetables
Au marché « pirate », on retrouve un peu de tout : des produits cosmétiques aux légumes, en passant par la friperie. Il y a de ces vendeurs qui sont là juste pour une marchandise dont le coût ne dépasse même pas 5 000 francs congolais (environ 3 dollars). D’autres encore proposent des produits difficilement achetables, soit parce qu’ils sont rarement recherchés par les passants, soit parce qu’ils sont périmés, ou presque. « Mes plantes médicinales ne s’écoulent pas bien. Je suis ici juste pour réunir une somme d’argent qui permettra d’acheter des produits faciles à vendre », confie un vendeur.
Chaque fois que l’on pourchasse ces personnes qui essaient de survivre en vendant ce qu’ils peuvent, et que je réalise que ce sont les autorités qui sont censées sécuriser et améliorer les conditions de vie des plus faibles, j’ai l’impression qu’il y a des crimes en train de se commettre au vu et au su de tous.
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C est par manque d oiseaux qu on mange les hiboux dit on. Cette situation doit être vu de près et apporter de solutions pour que chaque partie se retrouve.