Pourquoi quand une information est diffusée sur la Radio télévision nationale congolaise RTNC ou sur un autre média traditionnel national, les Congolais la prennent toujours sous réserve, même si l’info est vraie ? Ils n’y croiront entièrement que si RFI, VOA ou BBC la diffusent également. Cela m’inquiète, car les Congolais sont devenus presque esclaves des médias internationaux.
Quelques fois je pense que les Congolais ont raison car en RDC, nous sommes tellement habitués à nous mentir mutuellement que nous ne pouvons faire confiance à personne, même pas à nos propres médias. Une radio télévision nationale comme la RTNC ne vous donnera jamais le bilan exact de la répression d’une manifestation de l’opposition dans les rues de Kinshasa ou de Mbujimayi. S’il y a eu dix morts, elle ne parlera que d’un seul, ou simplement de blessés !
De leur côté, les médias proches de l’opposition vont exagérer en gonflant les chiffres. Alors tout le monde attendra la vérité de RFI, RTBF, France 24, etc. Et le lendemain le débat au marché et dans la cour de récré c’est : « RFI a dit… », « TV5 a montré… », « BBC a réalisé… »
Une aliénation culturelle ?
« Chaque matin, je suis les radios étrangères avant d’aller au boulot », confie Marcel, un vieux fonctionnaire de l’Etat. « J’ai au moins deux petites idoles parmi les journalistes de RFI. J’aime bien les écouter en raison du sérieux avec lequel ils font leur métier », ajoute un jeune médecin. C’est son droit, mais moi je suis convaincue qu’il s’agit là d’une nouvelle colonisation d’ordre culturel et c’est bien regrettable.
Imaginez que dans la grille des programmes de chaque radio étrangère, figure en bonne place une tranche réservée au continent africain, alors que dans les radios africaines cela n’est pas possible. Au moment où les informations du continent africain sont diffusées sur RFI, les chaînes locales perdent leurs auditeurs. À Mbujimayi par exemple, quand c’est 20h30, tout le monde est branché sur RFI soir. Vous n’avez même pas besoin d’avoir votre propre transistor : les voisins ont mis le leur à haute voix, et vous pouvez suivre à distance !
Même les ministres sont fans des médias étrangers
Il est très difficile en RDC d’obtenir une interview d’un ministre ou d’un grand homme politique si l’on est un média congolais. Mais le même ministre ou homme politique est prêt à parler à tout moment quand c’est Jeune Afrique, VOA, RFI ou Deutsche Welle. Pour cela, il peut arrêter tout ce qu’il fait ! Très fier de parler à un média international. Peut-être qu’il fuit les médias congolais car les journalistes vont lui réclamer le coupage. Au Congo, les confrères ne badinent pas en cette matière. C’est parce que le journalisme est un métier pauvre en RDC.
En fait, je n’ai rien contre les médias internationaux. Ils sont, avouons-le, incontournables dans la diffusion de l’information congolaise. Ils font leur travail avec professionnalisme, donnent des infos crédibles et vérifiées, et sont souvent les premiers à nous livrer des scoops sur la politique congolaise… Mais ils ne sont pas parfaits, les erreurs ne manquent pas.
Bref, donnons aux médias congolais les mêmes moyens qu’ont les médias occidentaux et voyons s’ils ne feront pas un bon travail.
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Il faut se battre et toujours se renouveler pour arriver à s’imposer. Belle réflexion…