Le temps des discours est passé. Celui des accolades et des félicitations aussi. En présentant ses actions prioritaires de 100 jours, Félix Tshisekedi a tracé les priorités de son diagnostic pour stabiliser un pays où presque tout est à refaire. Si nous devions comparer la RDC à une société au bord de la faillite, imaginons ensemble, le type de leaders et de comportements qui pourrait la stabiliser dans ce délai.
La RDC a-t-elle besoin des leaders impulsifs ?
A mon avis, les leaders impulsifs sont ceux qui appliquent la formule connue à Kinshasa sous le nom de tabula rasa, qui veut dire « faire table rase ». Cette option est prise souvent sous l’effet de l’émotion. On pense résoudre les problèmes en changeant de personnes. Les membres du gouvernement Tshibala hués pendant la cérémonie par la foule en sont une illustration. Le fait qu’il y ait des difficultés ne signifie pas forcément que le personnel est incompétent. Le nouveau dirigeant devra identifier les facteurs à la base de ces difficultés. Remplacer du personnel aguerri par un autre moins expérimenté peut entraîner des baisses de productivité. Opérer des changements nécessite des personnes ouvertes d’esprit et prêtes à suivre la dynamique ou la politique que l’on apporte. Les personnes plus réceptives et ouvertes sont à garder. Celles par contre, qui manifestent de l’hostilité au changement sont des obstacles dont on pourrait se passer.
Les dirigeants de la rupture
Les nouveaux dirigeants, qui souhaitent marquer de leur empreinte personnelle l’administration publique, le font en posant des gestes allant à l’encontre de ceux de leurs prédécesseurs. Cela peut constituer un palliatif temporaire, mais attention à ne pas tout remettre en cause du coup. On a encore comme mauvais souvenir ces entreprises où chaque changement de dirigeants implique un changement de dynamique. La nouvelle équipe voulant effacer les réalisations de l’ancienne, créant un cycle sans fin. La continuité dans ce qui est positif devrait être le maitre mot.
Ceux qui gardent le cap
Une fois aux affaires, un flux d’informations importantes converge vers le numéro un, et celui-ci peut s’en retrouver déstabilisé s’il tente d’y répondre coup sur coup pour montrer qu’il est le nouveau maître à bord et qu’il maîtrise la situation. Même si tout peut se révéler prioritaire, il n’empêche qu’il y ait des priorités plus importantes. La pression exercée par des travailleurs mécontents de leurs situations ne devrait pas primer sur l’image de l’entreprise, de son savoir-faire ou de la perception que s’en font ses clients et ses investisseurs. Le numéro un devra avoir déjà dressé sa propre feuille de route Smart (Spécifique – Mesurable – Atteignable – Réaliste et Défini dans le temps). Les priorités de Félix Tshisekedi obéissent à cette logique. Spécifiques car elles concernent la Justice, la sécurité, la politique, la bonne gouvernance, la diplomatie et les mines. Ils sont chiffrés avec un impact à court terme et définis dans le temps.
Les « parachutistes »
C’est la catégorie de dirigeants qu’il ne faudrait pas voir atterrir au Congo. Leurs premières actions se caractérisent très souvent par des actions d’éclat sans réels soubassements. Le but recherché n’est pas de changer l’entreprise, mais d’améliorer son propre statut social et personnel. Ils changent du jour au lendemain leur train de vie, alimentant par-là la méfiance des employés ou des actionnaires inquiets de l’affectation faite des ressources, surtout si la société traverse une période de crise très prononcée. Un minimum d’humilité et de retenue s’impose. Attention aussi à ne pas trop en faire en donnant des allures d’austèrité. Dans un poste à forte visibilité, où les actes des nouveaux dirigeants sont épiés, une erreur de perception peut changer la donne. En habitant une villa modeste du Mont-Ngaliema, Tshisekedi semble renvoyer un message sur la modestie devant caractériser les hauts fonctionnaires. Il en est de même de la restitution de ses frais de mission au Trésor public.
Les dirigeants des entreprises en ballotage échouent souvent car ils ne maîtrisent pas la culture interne de l’entreprise ainsi que les priorités du mandat qu’ils exercent. S’il faut 100 jours pour rassurer, il en faudra beaucoup plus pour laisser une empreinte qui perdurera et des résultats au vert.
Si tout ceci peut s’appliquer à une entreprise qui risque la faillite, j’espère que cela peut également s’appliquer pour mon pays la RDC et à ses 80 millions d’employés.