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Nourrir sa famille grâce à des fraudes frontalières, l’histoire des femmes « Tshora-tshora »

Aujourd’hui je vous fais découvrir le quotidien d’une « Tshora-tshora » à la petite Barrière, ce lieu situé entre Goma et Rubavu (Gisenyi) au Rwanda. Une « Tshora-tshora », c’est une femme qui gagne sa vie grâce aux petites transactions frauduleuses qu’elle effectue entre ces deux villes frontalières. Elles sont des centaines et sont connues par les services de contrôle à la frontière.

Ce matin, je suis à la frontière. L’endroit s’appelle La Petite Barrière, c’est un des deux postes frontaliers que la RDC et le Rwanda se partagent à Goma. Le mouvement humain est intense, ça parle et crie dans tous les sens. On se croirait sur un marché.  

Autour de moi, les femmes sont plus visibles que les hommes. Elles sont Rwandaises et Congolaises. Elles ont presque la même histoire de vie, les mêmes galères. Elles sont soit veuves, soit divorcées, soit abandonnées par leurs époux et dans certains cas, épouses de militaires. Il y a celles qui sont les seules à ramener de l’argent au foyer, le mari étant au chômage. Et pour survivre, elles mènent toutes le même trafic.

Importer des produits de manière cachée

Je viens de traverser la frontière. Je n’ai pas besoin d’un visa de séjour ; l’agent de douane vient de donner mon petit jeton après que je lui ai exhibé ma carte d’électeur. Devant moi de l’autre coté au Rwanda juste après une petite fouille corporelle par la police rwandaise, je suis étonné par une activité un peu étrange. Une centaine de femmes qui enfilent et faufilent plusieurs sortes de petits produits manufacturés dans leurs jupons et ou collants. Je m’approche, j’essaye de causer avec celle qui est juste devant moi. Celle-ci me prend pour l’un de leurs clients, d’une voix basse en murmurant elle lance. « Tu poses trop de questions au lieu de nous amener le boulot !»

Le boulot dont elle parle ici, c’est de faire traverser vers Goma des produits cachés dans leurs vêtements pour éviter de payer les taxes sur les produits importés. Malheureusement, moi je ne cherchais qu’à comprendre ce qui se passait. L’une d’entre elles finit par me parler. Neema Masika, souriante, me dit : « Ne t’étonne pas mon frère. » Elle enfile dans ses vêtements des bouteilles de boissons sucrées pour les cacher des yeux des agents des douanes. « C’est la vie ! Nous sommes très nombreuses à faire ce boulot, cent, deux-cents ou plus ? Je ne sais pas vraiment combien de Tshora-tshora on est au total ». Neema est la seule pour nourrir sa famille, son époux étant devenu invalide après une méningite, il ne peut plus travailler, et leurs quatre enfants n’ont qu’elle pour manger. Deux d’entre eux vont à l’école. « Je gagne dix mille voire quinze mille franc par jour (9 euros). C’est une somme énorme », explique-t-elle.

Elle m’explique aussi les grosses manœuvres qui se passent entre policiers, agents des douanes de tous les grades et elles pour que ces petites fraudes s’effectuent. Sans encourager la fraude, je crois que ces « Tshora-tshora » permettent à de nombreux enfants de manger, et d’aller à l’école. J’admire surtout le courage de ces femmes qui risquent beaucoup au nom de leurs familles. Ma seule crainte est que cette activité me paraît instable, volatile et éphémère, mais Neema me rassure : « Ça fait cinq ans que je fais ce travail, ce n’est pas facile mais j’en connais déjà les contours. »

 


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Les commentaires récents (1)

  1. Pas faciles en effet d’exercer ce genre we tâches. Elles devraient être encadrées afin de créer des activités pérennes et plus professionnelles autour de ces métiers. Force à ELLES !