Après plusieurs reports, les rumeurs qui se tramaient tout bas dans les rues de Kinshasa se confirment. Tard dans la nuit, Felix Tshisekedi est annoncé par la Céni comme le président élu. Comment avons-nous accueilli cette annonce ?
Dans la journée, c’était le calme total, tout le monde se pressait de rejoindre son domicile pour suivre les annonces à la maison. Aux ronds-points et artères très fréquentés de la ville, sont positionnés des policiers en prévision des probables manifestations après l’annonce des résultats. Les éternels embouteillages de Kinshasa laissent peu à peu place à des rues désertes. En l’absence totale d’internet, tout le monde se rue devant sa télé ou sa radio, seuls outils de communication qui reste à notre disposition.
Appelés cet après-midi du 9 janvier au quartier général de la Céni, les journalistes accrédités se lassent d’attendre les membres de la plénière qui n’arriveront que tard la nuit. Pas le 9 mais le 10 janvier à 1 heure, avant de commencer par la longue annonce des résultats des élections provinciales, pour enfin finir par les présidentiels bien plus tard, à 3 heures du matin.
« Zanga mbongo, zala na base »
Pendant ce temps, à Limete 11e rue, le quartier général de Félix Antoine Tshisekedi, candidat de la coalition CACH, ce sont des liesses de foule qui chantent en son honneur. « Zanga mbongo, zala na base…. Biso nde majorité », « Même si tu manques d’argent, ne manque pas une base. Nous sommes la majorité maintenant ». Les combattants ont veillés devant le siège de l’UDPS, bougies et téléphones allumés, en scandant des chants religieux et de victoire. « Nous avions nos résultats, nous savions que nous avions gagné. Personne ne pouvait nous contredire… La Céni n’a fait que confirmer », répond un combattant rencontré à Limete, à la question de savoir pourquoi chantaient-ils la victoire avant l’annonce des résultats par la Céni.
3h30, Corneille Naanga, président de la Commission électorale nationale indépendante annonce les résultats. Avec 7 051 013 voix soit 38,57%, Felix Tshisekedi est annoncé président de la république devant Martin Fayulu et Emmanuel Ramazani Shadary. La ville est en exultation ! Des cris retentissent, les casseroles, sifflets et klaxons raisonnent à nouveau dans les rues de la capitale. Ceux qui dormaient ou qui étaient scotchés devant leurs postes radios et télés remplissent les rues avec leurs cris de joie. Dans la foulée, l’électricité est coupée dans plusieurs quartiers de Kinshasa réputés dangereux, pour éviter les dérapages.
Kabila, un nouvel allié ?
A Limete, Félix Tshisekedi prononce son tout premier discours devant ses militants, « la base » comme on les appelle depuis la bourde de Génève. « Je ne serai pas le président d’une organisation qui est le CASH, je ne serai pas le président de l’UDPS, je ne serai pas le président d’une tribu, la tribu des luba, je serai le président des Congolaises et Congolais », annonce-t-il à deux reprises à ses militants pour mieux se faire comprendre.
La grande surprise dans tout ça, ce n’est ni l’annonce de l’élection de Tshisekedi, ni l’échec cuisant du candidat du FCC, Emmanuel Shadari ; c’est plutôt, le retournement de la situation. Entendez par là, les propos de Félix Tshisekedi qui quelques jours avant l’annonce des résultats, ne cessait de rendre hommage à Joseph Kabila. Il consolide cette position en déclarant lors de son discours qu’il faudra désormais considérer Kabila comme un allié, plutôt qu’un adversaire politique. « Nous ne devons plus considérer le président Kabila comme un adversaire, mais comme un allié ; un partenaire de l’alternance démocratique», déclare-t-il à ses militants qui, pour la première fois en 18 ans, applaudissent pour Kabila.
L’adversaire politique de toujours, devient allié en quelques jours. Doit-on s’attendre à une association entre CASH et FCC ? En attendant, tous les regards sont maintenant tournés vers la Cour constitutionnelle pour les résultats définitifs.