J’ai regardé le film « Tribunal sur le Congo » (Das Kongo Tribunal) du Suisse Millo Rau. Quelles n’ont pas été ma douleur et ma déception ! J’ai pleuré. Non parce que déçu par le film, mais parce qu’elle est triste l’histoire du massacre de Mutalure.
Plus de 6 millions de morts voici 21 ans, et le décompte macabre n’en finit pas. Des victimes inconnues des violences progressivement banalisées par les dirigeants congolais et la communauté internationale. Précisons bien : l’Europe, les Etats-Unis, l’ONU et l’Afrique. Ce film raconte un tribunal fictif, scénario monté en 2015 avec le concours des victimes des guerres et des spécialistes des Kivu. Tout cela moulu dans une invention cinématographique sensible, où d’éminents juristes et experts internationaux ont joué des rôles, sous les projecteurs du Belge Millo Rau.
Le film a un seul objectif : rappeler au monde que les crimes commis durant les guerres successives au Congo, depuis le génocide rwandais de 1994, restent scandaleusement impunis. Les populations victimes et le monde sensible à ces violences attendent que justice soit rendue, par ce qui devrait être un tribunal spécial sur le Congo, comme il y en a eu dans plusieurs autres pays dans le monde.
Ce film que j’ai découvert pour la première fois au festival de cinéma de Douarnenez en France ne laisse presque personne insensible. Sans voix off, il raconte en deux temps une histoire de violences dans le Sud-Kivu, avec une attention particulière sur le massacre de Mutalure. Le 6 juin 2014, 37 personnes y ont péri sans que les services de sécurité ni l’ONU ne soient intervenus, d’après les témoins interrogés. Le tribunal fictif, dans ce film, les condamne d’ailleurs pour complicité.
Silence ou complicité ?
Un massacre très gênant, étant donné que des éléments de l’armée ont été accusés d’être impliqués. Mais aussi la mission de l’ONU, la Monusco, aurait refusé d’intervenir alors qu’elle avait été alertée. C’est le temps fort du film, avec des images qui prennent aux tripes. Mais ceci n’est qu’une conséquence d’un environnement socioéconomique infesté par trop de frustrations. Des populations déjà pauvres, et davantage appauvries par une dépossession des terres agricoles. D’autres populations ont été délocalisées au profit des sociétés minières parfois sans aucune indemnisation
Par ailleurs, des creuseurs artisanaux, sans emplois et décidés de se débrouiller pour survivre, perdent eux aussi tout droit d’exploiter des ressources qui sont sous le sol sur lequel ils sont nés.
Le Congo attend un vrai tribunal, après le film
Des frustrations s’accumulant chaque jour, et des sociétés minières étrangères acquéreuses des terres recourant parfois à des violences armées, avec l’implication des services de sécurité officiels, le Sud-Kivu a vu, dans la logique du film, émerger des groupes d’auto-défense. Hélas, des groupes qui par la suite se sont montrés plus attirés par la contrebande minière que la défense des populations.
A Douarnenez, j’ai vu frissonner de frayeur des Français qui découvraient un environnement congolais invivable, parfois pour la première fois. « C’est comme ça chez vous au Congo ? », m’a interrogé une dame, terrifiée. Je suis resté sans mot. Oui. Mais je refuse de voir le Congo comme une fatalité. J’attends, comme de nombreux citoyens du monde épris d’humanité, que justice et lumière soient faites sur ces violences et sur tant d’autres commises au Congo.
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