Vous ne pouvez imaginer quels sacrifices le Congolais doit faire pour survivre dans son propre pays. Et comme dans nos sociétés la femme reste celle qui nourrit les familles, au Nord-Kivu, de plus en plus de femmes s’improvisent marchandes. Malheureusement, elles sont soumises à des taxes illégales qui ne font que les appauvrir davantage.
Chaque jour, des femmes se déploient le long des rues ou dans des marchés locaux pour vendre toute sorte de produits avec un petit capital. Curieusement, l’administration locale impose à ces pauvres femmes des pseudo-taxes qui vont de 50 à 100 dollars américains annuellement, sans aucune quittance, ni mode de perception légal. Pourtant, très peu ont au-delà de 15 dollars américains comme capital.
100 taxes pour une mini activité de commerce
Taxe sur l’environnement, taxe de la cité, taxe de balayage, taxe ambulante… en tout cas, les petits commerçants sont trop taxés. Voici l’histoire de Furaha, une femme du Nord-Kivu. Ce jeudi de mars 2019, le soleil disparaît dans l’amas de nuages sur la cité de Kiwanja, en territoire de Rutshuru. Furaha, l’air calme, m’accueille sur le lieu où elle exerce son petit commerce.
Veuve et mère de famille, elle vend des cacahuètes en sachet, des bananes et quelques avocats mûrs. Son étalage est bien garni et elle reçoit plusieurs clients car elle a la réputation d’avoir des fruits délicieux. Sa notoriété a malheureusement attiré aussi l’attention des vautours taxateurs. « Les agents de l’Etat nous embêtent. Ils voient où ça bouge et n’hésitent pas à venir récolter de l’argent », se plaint-elle.
Actuellement, indique madame Furaha, les percepteurs de taxes sont au nombre de quatre. Chacun arrive à son tour au courant de la semaine. Elle raconte les rotations des services de l’État : « Chaque mardi, on nous exige de payer 300 FC pour le service de l’environnement. Le mercredi nous payons la taxe de la cité : 200 FC, le jeudi c’est la taxe ambulante, encore 200 FC, et chaque vendredi on nous exige de payer 100 FC pour la taxe dite de balayage. » Cela dure depuis 4 ans. A cela il faut ajouter les tracasseries ponctuelles de la police.
En faisant un petit calcul, nous comprenons que Furaha paye près de 70 dollars américains par an. La pauvre n’avait jamais réalisé qu’elle perdait autant d’argent chaque année, elle venait de s’en rendre compte grâce à notre discussion. « Mais c’est de la folie ! », s’exclame-t-elle en se demandant où va tout cet argent.
« Ils savent que nous n’avons jamais été à l’école. C’est pourquoi ils nous exigent de l’argent pour tout produit », déplore madame Renzaho, bien connue sous le sobriquet de « Nyaba deux », la vendeuse de la farine de manioc. Elle affirme qu’à cause de cela, plusieurs petits commerces ont fermé, et que même pour ceux qui tentent de survivre, la faillite est inévitable.
Des taxes fantômes
Certes, payer ses taxes est normal, mais les services de l’État en abusent un peu ici. Taxe sur l’environnement, taxe de la cité, taxe ambulante, taxe de balayage ! « Pourtant c’est nous-mêmes qui balayons ici tous les jours », explique madame Renzaho.
On ne sait pas retracer la destination des recettes de ces taxes au-delà des poches de leurs percepteurs. Et ils ne cessent de profiter de l’ignorance de ces femmes courageuses pour se remplir les poches. Espérons que la lutte contre la corruption dont a parlé le nouveau président aidera à y mettre fin.