Il n’y a pas de sot métier dit-on. Mais, autrefois au Kivu, être photographe ou couturière c’était des métiers de second choix et mal vus dans la société. La photographie était considérée juste comme un gagne-pain pour des hommes n’ayant pas été à l’école ; et la couture pour des filles qui ne réussissaient pas à l’école. Ou qui venaient d’avoir un bébé avant le mariage. Mais aujourd’hui tout a changé !
Si tu as grandi à Goma, ou dans une autre ville du Nord-Kivu, tu te souviendras sûrement de ces hommes, souvent mal chaussés et mal habillés qui sillonnaient la ville en quête d’évènements ou de personnes à photographier. Souvenez-vous qu’ils demandaient juste un acompte pour vous prendre en photo. Cet acompte était souvent la moitié du prix (d’ailleurs dérisoire) d’une carte de photo. Ce qui lui servait à aller payer pour développer ses clichés au laboratoire, mais aussi à trouver de quoi vivre. Pauvres photographes ! Ils attendaient jusqu’à ce que la pellicule d’une trentaine de clichés soit entièrement utilisée pour qu’enfin ils aillent au labo pour sortir les photos.
A l’époque on se disait tous qu’être photographe c’était un métier ingrat. Leurs meilleurs jours étaient pendant les festivités de fin d’année. Mais ils étaient aussi à l’affût de tout baptême, tout mariage, toute fête d’anniversaire.
Quand il arrivait qu’on fasse appel à ses services, le photographe allait chercher son meilleur habit au fond de sa valise et se présentait propre à l’évènement pour se faire un peu d’argent.
Et la couture ?
La couturière dans le passé c’était cette fille qui n’avait pas de bonnes notes en classe, qui passait de promotion très difficilement. Alors, avec amour et tact, le parent orientait sa fille vers la « coupe et couture » . C’était un peu pour dire : « Elle est tellement bourrique qu’on ne peut plus rien pour elle. »
Autre chose qui était dite sur les couturières : elles finissaient vieilles filles. Personne ne voulait se marier à celle qui n’avait pas pu réussir à poursuivre des études normales.
Ces métiers aujourd’hui
A l’époque, la photo n’était réservée qu’à l’homme et la couture à la femme. Certes, il y avait quelques exceptions, certains hommes étaient aussi dans la couture.
Aujourd’hui c’est très différent. Tout le monde peut faire ces deux métiers. Et c’est désormais avec fierté qu’on répond : « Je suis photographe professionnel », ou « je suis couturière et styliste. » Et l’interlocuteur reste admiratif face à la réponse. A quoi est dû ce changement ? Je crois que c’est d’abord la mondialisation. Les photographes locaux peuvent désormais vendre leurs photos à des agences internationales à des prix parfois 1000 fois plus élevés qu’avant. Mais aussi on va désormais à l’université pour étudier la photographie et la couture. La création artistique en couture rapporte de l’argent et valorise le métier. Aujourd’hui, c’est avec fierté que les reporters d’images circulent avec leurs appareils pendant au cou. C’est avec fierté que des hommes font la publicité de leurs créations de mode d’habillement sur Internet. D’ailleurs, saviez-vous que ce sont deux jeunes couturiers congolais qui habillent Félix Tshisekedi ?